Même si le FMI prévoit pour l'Algérie un taux de croissance plus élevé du PIB en 2014 avec 4%, comparativement à 2013 où il n'a atteint que 2,8%, il ne reste pas moins que l'essor d'un certain nombre de secteurs est encore bridé (industrie, TIC,) ou insuffisant compte tenu de la forte émergence de marchés solvables (BTPH, agriculture). Le secteur des hydrocarbures connaît quant à lui, après huit ans de repli de sa production, un redressement avéré en 2014, qui est masqué et contrarié par la chute des prix du pétrole initiée en juin 2014. L'autre bonne nouvelle pour 2014 est la maîtrise, voire même le repli, de l'inflation, qui se stabilisera en moyenne annuelle à 2,1%, selon toujours le FMI. En réalité, la chute des prix pétroliers n'a fait que donner plus de visibilité à des vulnérabilités financières, budgétaires et commerciales perceptibles déjà dès le premier semestre malgré un prix du baril de pétrole à 109,92 dollars en moyenne. Au chapitre des mauvaises nouvelles, les fondamentaux macro financiers internes et externes sont mis à rude épreuve. D'abord le compte des transactions courantes sera en cette fin d'année légèrement déficitaire pour la première fois depuis quinze ans. Le gouverneur de la Banque d'Algérie nous indique ainsi que "la balance des paiements globale a dégagé un déficit de 1,32 milliard de dollars au premier semestre 2014 contre un excédent de 0,88 milliard de dollars à la même période de 2013". Ce qui témoigne d'une pression encore plus forte qui est exercée, en cette fin d'année, sur notre balance des paiements. Cette pression sera absorbée, pour le moment, par nos réserves de change qui poursuivront cependant leur trend baissier (193,26 milliards dollars en juin 2014 alors qu'elles s'élevaient à 194 milliards de dollars à fin 2013), sauf retournement improbable du marché pétrolier le premier semestre 2015. Au plan des équilibres financiers internes, la préoccupation, qui s'est dessinée déjà au premier semestre 2014, a été aggravée le deuxième semestre sans que pour autant la loi des finances 2015(LF 2015) ait été ajustée dans ses dotations. Sachant que les deux tiers des ressources budgétaires proviennent, d'une façon ou d'une autre, de la fiscalité pétrolière, le déficit affiché se creusera davantage. La correction interviendra probablement par le biais d'une loi de finances complémentaire (LFC 2015) en juin 2015. Le Trésor public ne disposant plus d'excédents financiers depuis quelques années déjà, c'est le recours aux ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR) qui rétablira les équilibres. Il faut noter, au passage, que la contraction des ressources du FRR avait déjà commencé en juin 2014, passant à "4 773,41 milliards DA (à cette date) contre 5 238,80 milliards DA à fin 2013", selon la Banque d'Algérie. Dernier point sur la situation macroéconomique : la balance commerciale. Cette dernière, selon mon estimation et dans l'attente des statistiques des Douanes, sera elle aussi légèrement déficitaire de 1 à 2 milliards de dollars pour l'année 2014. En effet, sachant que le montant des importations du premier semestre s'est élevé à 29,69 milliards de dollars, on bouclera l'année avec un niveau global des importations qui serait autour de 60 milliard de dollars Quant aux exportations totales, elles étaient de 33,69 milliards de dollars au premier semestre soit un excèdent pour cette période 3,89 milliards de dollars. Cet excédent dégagé au cours de ce premier semestre sera absorbé par la chute des prix du baril pour le deuxième semestre. L'enseignement à tirer de cela est que nous ne sommes pas un exportateur d'hydrocarbures comme l'Arabie Saoudite qui peut compenser les pertes sur le prix du baril par de plus grandes quantités dédiées à l'export. Ceci étant, revenons aux fondamentaux de l'économie réelle. En cette situation de crise pétrolière, dont on ne connaît encore ni l'amplitude ni la durée, nous allons devoir à présent amorcer des politiques économiques contra-cycliques au sein desquelles des séries d'arbitrages devront, clairement et rapidement, être prononcées : consommation ou investissement, importation ou production nationale, choix de certaines filières et abandon d'autres, rationalisation du budget et des modèles de consommation, etc. Exemple d'un arbitrage à opérer dans le secteur des hydrocarbures : privilégier plutôt l'investissement amont (recherche et production d'hydrocarbures) que l'investissement aval (la pétrochimie). Autre exemple : reporter certains investissements publics lourds à retour sur investissement long au profit d'un soutien aux groupes industriels algériens qui font de la substitution à l'importation et/ou exportent leurs productions sur des chaînes de valeur internationales. Dernier exemple, le modèle de consommation énergétique : arbitrer entre une révision progressive des tarifs locaux de carburants ou continuer d'en importer une grande partie à des prix internationaux élevés favorisant, ce faisant, un gaspillage de plus en plus insoutenable pour les finances publiques. Dans le même ordre d'idées, un scénario pessimiste est envisageable. Il s'agit du cas de figure où la Sonatrach ne sera pas en mesure, comme elle l'a prévu, de doubler la production de gaz naturel dans les cinq prochaines années. La conséquence se traduira fatalement par un arbitrage cornélien à opérer. Il s'agit de définir les parts d'exportation de gaz à dédier à l'export et celles à dédier au marché national dont la demande explose. En attendant ces arbitrages difficiles, concluons par une note positive. Il s'agit de la bonne réactivité d'un certain nombre d'instruments institutionnels et sociaux qui ont bien fonctionné en 2014. Citons la mise en vigueur du nouveau pacte économique et social de croissance qui régulera les relations et le dialogue entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. Relevons aussi l'opérationnalité de la loi de règlement budgétaire qui est en soi un instrument de rationalisation budgétaire pour autant qu'on tire profit de ses conclusions. Notons enfin l'initiative contra cyclique de la Banque d'Algérie qui autorise (enfin) l'investissement des entreprises algériennes à l'étranger. Il restera beaucoup de réformes structurelles à initier pour que l'année 2015 et les suivantes soient des années de croissance économique hors hydrocarbures plus élevées. Gageons même que, si le courage politique est là et le consensus sur la répartition équitable des coûts sociaux construit, le taux annoncé de 7% pourrait même être atteint. M. M.