C'est un combat contre le gaz de schiste. Mais cela pourrait être aussi une lutte contre les clichés. En lançant le mouvement "Non au gaz de schiste" à In-Salah, les membres de l'association In-Salah Sun & Gaz ne s'attendaient pas à ce que leur cause fédère autant les populations du Sud. C'est bien le cas aujourd'hui avec la mobilisation qui ne semble pas connaître de répit. Alors que des contacts ont été pris, ces dernières heures, avec la présidence de la République, ce qui est en soi une victoire pour le collectif citoyen d'In-Salah dont l'association, dirigée par l'ingénieur Abdelkader Bouhafs, incarne le cœur, la détermination n'a pas faibli. "Nous, les gens du Sud, sommes connus pour une vertu, c'est bien la patience", indique Hassina Zegzag, membre de la société civile d'In-Salah et militante antifracturation. Mais au-delà de l'aspect "folklorique" que certains veulent indéniablement coller à ce mouvement "sudiste", la contestation est, cette fois-ci, portée par des membres qui savent où ils vont : argumentaire scientifique contre le gaz de schiste, organisation à tous les niveaux, prise en charge de la culture locale pour mobiliser les populations et expertise technique élevée des protestataires. Au sein de cette association environnementale, et qui se définit ainsi, le refus de l'impact du forage du gaz de schiste qui menace durablement les nappes phréatiques de la région. Mais subtilement, l'ONG ne condamne pas le gaz de schiste en lui-même. Le travail de terrain et de proximité qu'elle a fait durant des années auprès des populations locales sur l'énergie solaire ou les énergies renouvelables porte finalement ses fruits. Un travail éducatif digne des ONG écologistes européennes qui s'est même adressé aux écoles. "Nous sommes des ingénieurs et des diplômés formés par l'université algérienne. La plupart travaillent dans le domaine pétrolier et savent de quoi ils parlent", ajoute notre interlocutrice. Pour preuve, avec sa condescendance classique, le ministre de l'Energie, Youcef Yousfi, n'a opposé aucun argumentaire solide pour rassurer le collectif citoyen, se contentant d'un discours paternaliste qui renseigne sur le regard que portent les autorités publiques aux populations du Sud. Un regard dont l'Etat ferait mieux de s'affranchir face à une contestation aussi mature. Pour les militants antifracturation, conscients des tentatives de récupération de leur mouvement par d'autres organisations et qui veulent faire glisser la contestation "gaz de schiste" sur le terrain social, la question qui se pose est assez simple : "Nous avons insisté avec tous les membres, avec toutes les associations, que notre slogan est ‘Contestation intelligente et pacifique, nous ne voulons pas casser, mais avec les gens du Nord, il n'y a pas de débats'", poursuit Hassina Zegzag. Cette absence de débat pourrait être comblée par certains locaux, même si la plupart se sont montrés défaillants durant cette crise, comme l'initiative prônée par le député RND de Tamanrasset, Mohamed Baba Ali, qui se trouve actuellement à Alger pour nouer des contacts et délivrer le message du collectif d'In-Salah. Une initiative que ne rejettent pas en bloc les membres du collectif, mais tout en avertissant, avec sérénité, que la ligne rouge est "l'arrêt du forage. C'est tout ce que nous demandons. Pas plus, pas moins". S. T.