Les membres du barreau d'Alger n'ont jamais digéré les restrictions au libre exercice de la profession contenues dans la loi portant statut d'avocat. Demain, les audiences seront boycottées par la défense en réaction à l'agression dont a fait l'objet un avocat par des policiers en service à la cour d'Alger. C'est ce qu'a décidé le Conseil de l'Ordre des avocats d'Alger, au terme d'une longue réunion tenue dimanche. Cette journée de protestation sera ponctuée par un rassemblement à la cour d'Alger et par une conférence de presse du bâtonnier Abdelmadjid Sellini. Jeudi dernier, un avocat ne portant pas sa toge — cette robe revêtue en particulier, mais pas exclusivement lors de l'exercice professionnel — s'est approché du box des prévenus pour parler à son client. Un policier s'interpose. L'avocat lui exhibe sa carte professionnelle sans parvenir à le convaincre de le laisser s'entretenir avec le prévenu. Le policier rend compte de la situation à son supérieur qui lui aurait ordonné, selon des témoins, de le faire descendre aux geôles. L'avocat sera traîné sur deux étages jusqu'à la réception. Présent sur les lieux, Abdelmadjid Sellini s'interpose, s'ensuit alors une violente empoignade entre les policiers et les avocats qui ont quitté les salles d'audience pour porter secours à leur collègue. Un policier a sorti son pistolet à impulsion électrique Taser, sans l'utiliser. Dans la bousculade, une femme est blessée. On a appris, hier, par des membres du barreau d'Alger, que les deux policiers ont été suspendus par le directeur général de la Police nationale en attendant leur passage en conseil de discipline. Le bâtonnat a tenu à organiser cette journée de protestation, en dépit des mesures disciplinaires prises à l'encontre des agents de police et des excuses de la DGSN. C'est une journée assez particulière qui s'annonce demain, mercredi, pour les robes noires, leur permettant de dénoncer, encore une fois, les conditions difficiles rencontrées dans l'exercice de leur métier. En particulier, l'atteinte au libre exercice de la défense. Ainsi, le délit d'audience institué par l'article 24 de la loi portant organisation de la profession d'avocat assimile la moindre intervention de l'avocat à un "outrage" susceptible d'être poursuivi pénalement. Et cela, nonobstant ses interprétations abusives. Quant à l'article 9, il empêche tout simplement l'avocat de se retirer de l'audience, et au cas où il quitterait le procès, pour une raison ou pour une autre, il aurait alors à subir des poursuites pour "faute grave". Ces différentes restrictions n'ont jamais été digérées par les membres du barreau d'Alger qui voient en l'incident de jeudi dernier un dérapage de plus contre la corporation. N. H.