L'annonce par le gouvernement d'un nouveau découpage administratif qui verrait des daïras promues au rang de wilayas déléguées, selon un calendrier étalé sur trois années, a ranimé d'anciennes frustrations et a redonné du souffle à de très vieilles revendications. Début février, la population de Boussaâda, dans la wilaya de M'sila, s'est bruyamment rappelée au souvenir de l'autorité centrale, en réitérant sa demande vieille de 31 ans, à savoir la dotation à sa daïra de statut de wilaya. Ils étaient, en effet, des centaines de Boussaâdis à manifester, en ce début de mois, devant le siège de l'APC pour réclamer le rang de wilaya pour leur daïra. La protestation a duré trois jours. Elle a été ponctuée par une grève générale. Cette montée de fièvre chez les Boussaâdis a été provoquée par la décision arrêtée en Conseil interministériel restreint de promouvoir des daïras au rang de wilayas déléguées dans le Sud et dans les Hauts-Plateaux en 2015 et 2016. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui s'est exprimé sur la décision en marge de la cérémonie de clôture de la session d'automne du Parlement, a indiqué que, s'agissant du Grand-Sud, 11 daïras sont éligibles au statut de wilayas déléguées. Pour cette région, la décision connaîtra une concrète application durant l'année en cours. En revanche, les régions des Hauts-Plateaux et du Nord bénéficieraient, elles, du nouveau découpage administratif respectivement en 2016 et 2017. Le Premier ministre n'a, cependant, pas fourni d'indications quant aux daïras qui pourraient postuler à un meilleur statut administratif. Il n'est pas allé, également, jusqu'à souligner les critères qui prévaudraient dans la sélection. La seule fois où des critères de sélection ont été avancés, c'était en 2009. Enchaînant sur la déclaration du chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, qui avait soutenu que de nouvelles wilayas allaient être créées à l'horizon 2010, le ministre de l'Intérieur de l'époque, Noureddine Yazid Zerhouni, en avait énoncé deux : la densité de la population et le nombre de communes. Serait-ce sur ces considérations que s'appuiera le gouvernement Sellal pour asseoir le découpage promis ? On ne sait pas. C'est la décision gouvernementale de doter le pays d'une nouvelle organisation territoriale, annoncée dans le sillage des réponses opposées aux doléances des habitants d'In-Salah qui se sont soulevés durant plus d'un mois contre l'exploitation du gaz de schiste qui a provoqué aussitôt, et au-delà de la wilaya de Tamanrasset, une surenchère autour de la perspective. Dans plusieurs daïras, les populations se mobilisent pour faire pression sur l'autorité centrale pour l'amener à cocher leur circonscription sur la liste des wilayas ou wilayas déléguées à créer. C'est le cas dans de nombreuses daïras, notamment dans celles sevrées de la promotion lors du découpage de 1984, ainsi que dans celles où le candidat Bouteflika en 2004 et son directeur de campagne électorale en 2014 ont lâché la promesse. L'agitation est plus prégnante notamment au niveau des daïras qui n'ont pas bénéficié de la loi n°84-09 du 4 février 1984 relative à l'organisation territoriale du pays modifiée et complétée. Parmi ces dernières, on peut citer Aïn Beïda, qui avait vraiment cru à sa promotion, avant qu'elle ne se réveille sur une grande désillusion. Le pouvoir central, privilégiant certainement le calcul politique à l'efficacité administrative, a jeté son dévolu sur Oum El-Bouaghi. On peut également citer la rivalité qui avait prévalu entre les daïras d'Aïn Sefra et de Mechria au moment du découpage administratif de 1984 pour que, finalement, ce soit la petite bourgade de Naâma qui a été hissée au rang de wilaya. On comprend que les populations de ces daïras estiment avoir l'opportunité de l'annonce de ce nouveau découpage administratif pour se débarrasser d'un reliquat de frustrations. On comprend aussi que les populations d'autres daïras rappellent à Abdelmalek Sellal, et donc au président Bouteflika, sa promesse faite durant la campagne électorale pour la présidentielle d'avril 2014. Le gouvernement, qui s'oblige déjà à une austérité budgétaire, doit être déjà sous pression. Car, au-delà de ses choix qui pourraient être contestés, il est obligé, pour réaliser le découpage administratif, d'organiser un transfert des dossiers et archives des wilayas vers les wilayas déléguées. Pour cela, il lui faut mettre en place les équipements nécessaires, ce qui suppose le dégagement, au préalable, du capital foncier. Il lui faut aussi trouver la ressource financière. S.A.I.