"Au final, il faudra négocier. Nous avons toujours été pour les négociations dans le cadre du processus (de paix) de Genève (...) Washington travaille à relancer les efforts visant à trouver une solution politique au conflit." Bien plus qu'une perche tendue, cette déclaration du secrétaire d'Etat américain, John Kerry, qui a déclenché une avalanche de réactions en Occident, préfigure d'une tentative de remise en selle du président syrien, Bachar al-Assad. En suggérant que Washington devra parler avec le maître de Damas pour mettre fin au conflit, John Kerry ne fait que se rendre à l'évidence de la réalité et confirmer ce qui est admis en coulisses dans nombre de capitales occidentales, en dépit des discours à consommation externe : que la solution au conflit syrien, qui a fait plus de 200 000 morts et des millions de déplacés en quatre ans, passe inévitablement par des négociations avec le régime de Bachar al-Assad. Mi-février, c'est le médiateur de l'ONU, Staffan Mistura, qui affirmait qu'"il fallait inclure le président syrien dans le processus de paix". "Assad fait partie de la solution et je continuerai à avoir des discussions importantes avec lui", a-t-il dit. Il y a quelques semaines, ce sont des parlementaires français, dans une entreprise qui s'apparentait à de la diplomatie parallèle, qui se sont rendus à Damas. "Même s'il a du sang sur les mains, le président est une partie qui va intervenir dans le règlement politique de la guerre civile", a plaidé l'un d'eux, Jacques Myard. Bachar al-Assad ne veut "plus rester isolé face à la menace terroriste", a ajouté un autre parlementaire du voyage, le sénateur centriste François Zocchetto. De problème principal de la crise syrienne, Al-Assad est-il en passe de devenir la "solution" ? À vrai dire, cette attitude occidentale était prévisible aux yeux des spécialistes de la question syrienne pour au moins trois raisons : il y a d'abord la faiblesse de l'opposition syrienne. En dépit des multiples aides dont elle a bénéficié de la part des Occidentaux, l'opposition, plus que jamais divisée, s'est révélée incapable de peser face au régime d'Al-Assad. Ensuite, il y a l'émergence de la nébuleuse EI dont la barbarie effraie de nombreuses monarchies du Golfe. Dans la lutte qu'ils ont engagée contre l'EI, les Occidentaux considèrent que le régime syrien, qui dispose de l'armée la mieux organisée sur le terrain, peut se révéler comme un précieux soutien, d'autant qu'il se présente comme le défenseur des chrétiens. Certains n'hésitent pas à évoquer le lobbying des services de renseignement qui connaissent mieux la réalité du terrain et qui considèrent qu'une lutte efficace contre les islamistes radicaux ne peut passer que par une collaboration étroite avec leurs homologues syriens et irakiens. Enfin, il n'est pas exclu que les Israéliens aient, eux aussi, fait du lobbying considérant désormais qu'une chute d'Al-Assad conduirait à la dislocation du pays et renforcera les forces les plus hostiles à l'Etat hébreu. K. K.