Résumé : Voulant avoir à tout prix un enfant, Mordjana, sur les conseils de sa belle-sœur, consulte une gynécologue qui ne relève rien d'anormal chez elle. De plus en plus déçue, elle appréhendait une stérilité secondaire. Epuisée par ses préoccupations, elle décide de se rendre dans sa famille et propose à Samir de l'accompagner. Samir n'arrivait pas encore à admettre que sa jeune femme avait vécu toute sa vie dans une ville aussi restreinte que la sienne, et supporté la chaleur suffocante qui y régnait. Ce n'est qu'au crépuscule qu'il put enfin respirer. Ils étaient arrivés en début d'après-midi à l'aéroport, et avaient dû attendre plusieurs heures avant que Laïd, le frère de Mordjana, ne vienne les récupérer. L'itinéraire lui sembla interminable. La ville se trouvait à plus de 75 km, et il dut faire preuve d'une grande patience pour ne pas la planter là et faire demi-tour. Les mouches n'avaient cessé de tournoyer autour d'eux, et malgré les fenêtres grandes ouvertes de la R4 de son beau-frère, Samir transpirait à grosses gouttes et buvait de l'eau à grandes gorgées. Mordjana, par contre, semblait indifférente à la chaleur et aux bestioles. Elle s'était blottie à l'arrière du véhicule et regardait le paysage d'un air distrait. La jeune femme repensait au long voyage qu'elle avait effectués pour rejoindre son mari. Elle regarde Samir qui ne cessait de se passer une serviette sur le visage... Cela fait déjà deux années..., se dit-elle. Elle pousse un soupir. Que de nuits blanches n'avait-elle passées à ruminer des idées noires ! À cette époque, elle ne connaissait encore rien de cet homme à qui on venait de la brader telle une marchandise invendue. Mais tout compte fait, elle ne regrettait rien... Cela aurait pu être un cauchemar si le destin n'avait pas été clément avec elle. Elle sourit en voyant Samir déboutonner davantage sa chemise. On n'était qu'au début du printemps. Il ne connaissait encore rien des grandes chaleurs estivales. Elle chasse une mouche avec sa main et se redresse pour défroisser la jupe de son tailleur. Sa famille n'allait pas la reconnaître. Laïd, son frère, l'avait dévisagée à l'aéroport, comme s'il la voyait pour la première fois. Il est vrai qu'elle avait beaucoup changé. Elle s'était métamorphosée. La grande ville a eu un impact positif sur elle, et maintenant son savoir-vivre ne passait plus inaperçu. Finie la jeune femme effacée d'autrefois et les robes d'intérieur de sa mère qu'elle portait même pour sortir. Elle passe la main sur ses cheveux retenus en chignon sur sa nuque et dégageant son visage. Personne n'aurait deviné qu'il y avait une vilaine tache de vin sur sa joue... Un angiome... Le mot lui revint... Un angiome qui, fort heureusement, n'avait pas évolué. Elle ferme les yeux et adresse une prière de remerciement à Dieu. Seule la divinité lui avait permis d'avoir une seconde vie... Une vie plus simple, plus facile et plus heureuse. Son cœur se serre soudain. Son bonheur n'était pas complet hélas ! Elle passe la main sur son ventre désespérément plat et se demande si jamais, un jour, elle pourra porter un enfant dans ses entrailles. Elle se revoit encore nouvelle mariée. Elle avait subi l'humiliation de son beau-père et les remarques acerbes de sa belle-mère sans pour autant se sentir aussi malheureuse qu'en ce moment où la gynécologue lui avait dit que dans son cas seule la nature pouvait trancher. Elle n'avait jamais parlé à Samir de cette consultation ni des examens auxquels elle s'était prêtée dans l'espoir de découvrir l'anomalie qui l'empêchait de tomber enceinte et d'y remédier. Tout simplement parce qu'elle n'avait rien à lui révéler. Rien à lui dire... Tout semblait aller dans le meilleur des mondes dans son corps. Un coup de frein la fera sursauter. Ils étaient arrivés ! Une nuée de gosses les attendaient devant la porte de la maison. Mordjana eu du mal à reconnaître tout ce petit monde. Les petits avaient grandi et les grands étaient déjà des adultes prêts à s'envoler. Les embrassades n'en finissaient pas. Tout le monde se pressait autour d'elle et de Samir. Ses sœurs la contemplaient silencieusement, avant de s'approcher d'elle et de la toucher. Elles admirèrent sa tenue, sa coiffure, son maquillage... Des voisines poussèrent des youyous à sa vue, et elle les salua de la main. Samir lui demande d'une voix chevrotante : -Pourrais-je avoir un verre d'eau ? Je sens que je vais m'évanouir sous ce soleil de plomb. Elle se rappelle alors de sa présence à ses côtés et s'empresse de se dégager des étreintes de ses frères et sœurs pour ouvrir la grande porte d'entrée et précède son mari à l'intérieur de la maison. (À suivre) Y. H.