Mohamed-Chérif Abbès refuse de divulguer le nombre de moudjahidine et de veuves de chahid qui perçoivent encore des pensions. Il refuse également, de rendre public le montant global déboursé en 2004 dans ce cadre. “Le ministère des Moudjahidine se limite à un rôle technique et administratif, voyez avec d'autres organismes —le Trésor par exemple— peut-être obtiendrez-vous des réponses”, s'est-il contenté de dire, hier, au cours du forum de la télévision nationale. Mohamed-Chérif Abbès, en poste depuis décembre 1999, s'est montré railleur et carrément évasif. Ces deux aspects, ajoutés à la question des “faux moudjahidine”, sont, d'après lui, exagérément gonflés par certains titres de la presse nationale. Cette exagération, accuse-t-il, doit même obéir à d' “autres considérations. Pourquoi les journalistes n'enquêtent-ils pas dans les wilayas afin d'établir la vérité ?” Les Algériens savent, depuis fin octobre dernier, qu'il existe officiellement “plus de 10 000 faux moudjahidine”, mais ils ne sauront pas avant longtemps combien de moudjahidine ni de veuves de chahid touchent les pensions versées par l'Etat, et supportées par le contribuable. Certes, ces rétributions sont d'un “niveau raisonnable”, mais pourquoi avoir peur des chiffres ? L'indice suivant permet de saisir quelque peu l'importance et la sensibilité de la question : le département des anciens maquisards reste l'un des plus gros budgets de l'Etat. M. Abbès, qui promet de poursuivre juridiquement les usurpateurs du titre de “moudjahid” (“ils devront tous rembourser l'argent pris illégalement”), refuse aussi de commenter la “fin de la légitimité historique” décrétée par le président, Abdelaziz Bouteflika, lors du congrès de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM). “Le discours du Président a été clair, chacun peut en faire sa propre interprétation et sa propre analyse”, a affirmé le ministre. Mohamed-Chérif Abbès a, par contre, été précis concernant le retour en Algérie des pieds-noirs et des harkis. “Les pieds-noirs ont pris la nationalité française ; ils ne sont pas des nôtres et nous ne sommes pas des leurs. Par conséquent, nous les traiterons comme des étrangers, avec leurs droits et leurs devoirs. Quant aux harkis, la loi sur la réconciliation et la concorde ne les concernent nullement, pas plus que leurs semblables”, a-t-il souligné. Ces gens, a-t-il ajouté, doivent savoir que “nous avons tourné la page, mais nous ne l'avons pas déchirée”. La France, a-t-il indiqué, détient le gros des archives de la guerre d'Algérie détenues à l'étranger (Tunisie, Maroc, Syrie, Egypte, Irak, etc.), “nous réclamons toujours leur transfert dans notre pays”. Seuls des documents se rapportant à l'époque de l'émir Abdelkader ont été restitués par l'Hexagone, lors de la visite, en 1975, de Valérie Giscard d'Estaing. Le ministre des Moudjahidine ne désespère pas : “La France devra un jour reconnaître ses crimes en Algérie !” De même qu'il espère récupérer un jour la prison de Serkadji pour en faire un musée à la gloire de la Révolution et des moudjahidine. L. B.