Le pouvoir n'a pas initié un véritable dialogue avec les hommes d'affaires, selon Slim Othmani, qui estime que le patronat n'a aucune emprise sur la décision économique. La règle d'association 49/51%, imposée aux investisseurs étrangers souhaitant s'installer en Algérie, ne repose sur aucun paradigme économique, estime Slim Othmani. De passage à Montréal vendredi, à l'invitation de la fondation Club Avenir en collaboration avec la Chaire de management international de HEC Montréal que dirige le professeur Taïb Hafsi, le président de la Nouvelle Conserverie algérienne NCA-Rouiba n'a pas mâché ses mots pour dénoncer cette clause reconduite dans la loi de finances 2015, alors que les investisseurs attendaient son assouplissement. "La disposition 49/51% relève, de mon point de vue, d'un combat d'arrière-garde. C'est pour cela que je m'y oppose. Je crois que persister à s'enfermer dans un tel modèle rétrograde, alors que les prix du pétrole dégringolent, est bien dommage pour l'économie nationale", a déclaré M. Othmani. Dans son exposé intitulé "Les entreprises privées, l'Etat et le développement économique", le conférencier regrette que le pays ne dispose pas de vision économique à long terme. "Nous avons gaspillé énormément de ressources par le seul fait de l'incompétence ; il n'y a pas de vision pour notre pays. On parle de diversifier l'économie, mais on ne voit rien venir", déplore l'orateur qui est revenu longuement sur son implication dans le réseau des entrepreneurs et des hommes d'affaires. Du think tank Care (Club d'action et de réflexion autour de l'entreprise) dont il était président à l'initiative pluridisciplinaire Nabni en passant par le Forum des chefs d'entreprise (FCE) qu'il a quitté bruyamment pour ne pas cautionner le soutien politique à un quatrième mandat au chef de l'Etat, Slim Othmani a cru en une mutualisation patronale, dont les efforts ont été sabordés par ceux qui, dit-il, pensaient naïvement que c'est le lien organique au pouvoir politique qui fait la réussite entrepreneuriale. Son engagement le pousse à assumer ses rapports tendus avec le pouvoir qu'il ne se gêne pas de critiquer ouvertement. Abordant son retrait du FCE, le patron de NCA-Rouiba dit avoir cru en une force patronale émergente. "Le patronat est atomisé par le pouvoir dans le but de réduire ses capacités de négociation. Le pouvoir, autiste qu'il est, n'a pas initié de véritable dialogue avec les hommes d'affaires. J'ai l'impression qu'on nous entend sans nous écouter pour autant", explique l'intervenant pour qui le patronat n'a aucune emprise sur la décision économique. Au sujet de la loi de finances 2015, M. Othmani estime que le pouvoir est en train de payer très cher la paix sociale. Pour le conférencier, l'environnement institutionnel demeure hostile à l'initiative privée, citant parmi ces entraves l'accès au foncier industriel, l'économie informelle et le système bancaire, l'un des plus archaïques au monde. Sur un autre registre, en dépit des blocages, politiques notamment, l'intégration économique maghrébine est une perspective incontournable à long terme, prédit Slim Othmani, dont l'entreprise qu'il dirige fait aujourd'hui un chiffre d'affaires de 70 millions d'euros. Malgré les embûches, il garde un espoir tenace. Un espoir qu'il adosse à la diaspora, "une ressource qui dépasse le pétrole", selon lui. "Je crois que la diaspora est une chance pour le pays, elle a beaucoup à apporter pour contribuer au développement économique de l'Algérie", conclut M. Othmani, lui qui a vécu à Montréal quatre ans en tant qu'ingénieur en informatique avant de rentrer en Algérie en 1991. Y. A.