Des vendeurs illégaux, dont des enfants en bas âge, ont aligné des étals de fortune sur le trottoir pour vendre n'importe quoi et n'importe comment, des ustensiles de cuisine, des jouets, des produits périssables... Il est 19h00 et le soleil a déjà entamé sa course dans le ciel. C'est Ramadhan. La journée perd de sa vitalité. A présent, toutes les activités sont nocturnes. En pareille période, les commerçants se frottent toujours les mains. "Ramadhan est bon pour les affaires. Tout se vend et tout devient tolérant", disent-ils avec le sourire. Dès la rupture du jeûne, la ville sort de sa léthargie profonde. Bondés, les bus et les taxis clandestins font de nouveau la navette entre les quartiers populaires et le centre-ville. Les gargotes et autres marchands ambulants étalent leurs marchandises le long des trottoirs. L'odeur des mets et des fritures en cuisson emporte les passants. Au centre-ville de Laghouat, la vie bouillonnante et les claquements de pas qui semblaient parfois se synchroniser avec les klaxons des voitures laissent place, depuis plus de 15 jours, à un tableau presque sans vie. Quoique les agents de l'ordre public soient visiblement déployés dans la majorité des grandes artères et aux alentours des mosquées du chef-lieu de la wilaya de Laghouat, les citoyens considèrent que les pouvoirs publics n'arrivent pas à faire respecter les lois de la République portant sur les espaces publics, et ne semblent pas s'intéresser à l'anarchie qui prend de plus en plus de l'ampleur. En effet, la ville de Laghouat connaît une anarchie indescriptible en ce mois de Ramadhan. C'est devenu un rituel, c'est l'anarchie et ça devient plus grave. En effet, dans les 24 communes de cette wilaya, c'est le même décor. La situation est intenable. Les marchands de l'informel squattent trottoirs, rues, places publiques et presque tout est occupé illégalement. On y trouve un peu de tout, du jus douteux et contrefait, de la zlabia, du qalb-ellouz, du pain, des produits impropres à la consommation et divers produits étalés sur des espaces publics sans que les services concernés disent un mot. Une situation anormale qui pourrait provoquer des maladies et qui devrait interpeller les services compétents, notamment le bureau communal d'hygiène, dont les membres brillent par leur absence. C'est la débandade. Quant aux commerçants légaux, eux aussi exhibent leurs produits sur les trottoirs, obligeant les piétons – contribuables — à emprunter les rues à défaut de trottoirs. Même les bandes réservées au stationnement des voitures sont occupées. ‘'On les laisse faire en échange de la paix sociale'', nous dit un citoyen. K. A est, malgré son âge avancé, l'un des rares commerçants de Laghouat à ouvrir les portes de son magasin à la première heure. "Vous savez, c'est le vingtième Ramadhan depuis que je suis propriétaire de ce magasin. Et même si en période de Ramadhan, les clients ne se pressent pas du tout à votre porte le matin, j'ai toujours ouvert le magasin dès sept heures. A midi, je ferme tout pour une longue sieste jusqu'à 16heures, car c'est à partir de cette heure-là que commencent les choses sérieuses", confie-t-il. Même scénario à Hassi R'mel, localité distante de quelque 120 km au sud de Laghouat. C'est un vrai ‘'désordre organisé''. Le commerce informel impose son diktat. Des vendeurs illégaux dont des enfants en bas âge ont aligné des étals de fortune sur les trottoirs pour vendre n'importe quoi et n'importe comment, des ustensiles de cuisine, des jouets, des produits périssables... Les passagers sont contraints de jouer des coudes pour se frayer un chemin. Dans cette même localité, l'APC a réalisé depuis plus de 5 ans un marché couvert en ‘'tôles et parpaings'' à la va-vite, dans le cadre de la lutte contre les marchés informels initiée par l'Etat. Occupé une fois à l'occasion d'une quinzaine commerciale, les marchands illégaux tournent le dos à ce marché pour exposer leurs marchandises tout près de la poste et tout devient ‘'normal''. L'autre fléau qui prend aussi de l'ampleur, celui du stationnement. Le parc automobile ne cesse d'augmenter et c'est un calvaire pour les automobilistes pour stationner. Ainsi, tout est devenu tolérable, même les habitants de plusieurs quartiers de Laghouat garent leurs véhicules sur les trottoirs devant leurs maisons, en plein centre-ville, sans que personne les dérange. Toutefois, ce désolant état de fait n'altère en rien les habitudes des Laghouatis. Dans chaque maison, dès 16h00, les femmes s'activent avec cœur pour préparer minutieusement les petits délices pour rompre le jeûne ainsi que le dîner qui fait l'objet d'une attention très particulière durant ce mois sacré. Rien n'est laissé au hasard. Chaque geste est effectué avec précision. Le décor est également redessiné à cette occasion. Et l'encensoir fumera en symphonie les trente nuits de Ramadhan. Cependant, c'est la nuit tombée, après la rupture du jeûne, que l'on assiste à la plus belle image de Ramadhan à Laghouat. Comme sortis de nulle part, les gens se bousculent de nouveau dans les rues. Tout est plus énergique, surtout plus convivial. Comme dans la matinée, on ne se salue pas de loin mais plutôt on opte pour les accolades, car à présent tout le monde a l'énergie nécessaire pour serrer l'autre. Et surtout s'amuser et sourire pleinement. "A chaque rupture de jeûne, c'est un immense bonheur, un sentiment indescriptible s'empare de tout le monde. Même les enfants qui ne sont pas autorisés à jeûner s'émerveillent une fois que la famille a rompu ensemble le jeûne", rappelle H. Ammar, un fonctionnaire père de cinq enfants. La nuit tombée, les Laghouatis se rassemblent pour la prière des "Tarawih" où ils implorent ensemble, jeunes et vieux, riches et pauvres, Allah dans la communion la plus parfaite. B. A.