La belle oasis rouge n'attire plus d'admirateurs par milliers. La première guerre du Golfe, le terrorisme et l'indifférence des autorités nationales ont asséché sa principale source nourricière. Ambiance ordinaire dans les rues de Timimoun, à quelques jours de la fin de l'année. L'oasis rouge ne se farde plus aux couleurs de fêtes qu'elle célébrait pourtant avec le pittoresque des traditions locales dans des kheïmas géantes, dressées au creux d'une dune. Lassée d'attendre le retour de l'époque faste et fébrile du tourisme de masse, la ville sombre dans la déliquescence. Les ordures jonchent chaque espace libre, la voirie est en mauvais état, les vols à la tire et les agressions verbales se profilent dans le paysage social de la communauté. “La nouvelle génération n'a pas connu les belles années du tourisme international. Elle a grandi avec la prolifération des discours islamistes. Elle est de fait réfractaire à l'ambiance de liesse qui découle d'une présence massive d'étrangers”, rapporte l'épouse d'un élu local. La population locale s'est tournée vers des préoccupations d'un quotidien de plus en plus difficile, ne prenant plus la peine d'initier les enfants à l'art d'accueillir les touristes. Depuis bientôt quinze ans, les étrangers ne viennent plus par milliers faire des randonnées pédestres, méharistes ou à bord de 4X4 dans le magnifique Gourara. Avant la première guerre du Golfe, ils étaient pourtant plus de 135 000 à visiter annuellement la région. Actuellement, les meilleures saisons n'enregistrent que 5 000 touristes. Le terrorisme a fini par dissuader les plus déterminés à choisir le Sud algérien comme destination privilégiée pour leurs vacances. Il ne restait plus que certains amoureux invétérés des paysages enchanteurs de l'Erg occidental à lui jurer fidélité. À quelques kilomètres de Talah (ksar semi-enclavé), une pierre tombale s'élève au milieu de nulle part. Il semblerait, renseignement pris, qu'un Espagnol ait fait promettre à ses proches de répandre, après sa mort, ses cendres dans le Gourara, une terre qu'il a aimée, et d'y construire symboliquement une tombe qui rappellera son souvenir. Pendant des années, un ingénieur français venait passer de courts séjours chez ses amis de Timimoun, en disant à son épouse qu'il se trouvait au Maroc ou en Tunisie. “Les échos du terrorisme, répercutés par des médias occidentaux, faisaient peur même à ceux qui savaient pertinemment que le Sahara est préservé de la violence”, raconte un notable de la ville. La disparition des touristes, principale source de revenus de la région, a précipité le dépérissement de Timimoun, considérée comme le joyau du Gourara. Les agences de tourisme ont mis, durant la décennie noire, la clé sous le paillasson. Certaines tentent de reprendre tant bien que mal en main une activité, avérée jadis hautement lucrative. La régression de la violence intégriste n'a pas amélioré la situation dans la région. L'activité touristique n'a pas vraiment décollé, après une reprise, pourtant prometteuse. “Il faudra de gros investissements pour relancer le tourisme dans la région”, suggère M'Hamed Silkh, président de l'Office du tourisme. Des initiatives à perte Malheureusement, les autorités nationales n'ont tracé, jusqu'alors, aucune politique durable dans cette optique, à croire qu'elles ignorent les potentialités énormes que recèle le Grand-Sud. Peut-être pas, en définitif. Plusieurs ministres (citons juste pour l'exemple, le ministre de l'Energie et des Mines et ses collègues des Finances et des Ressources en eau) aiment à passer des vacances en famille à Timimoun. Les habitants de cette commune se rappellent très bien d'un séjour de Abdelaziz Bouteflika, des années avant son élection à la présidence de la République. “Un automobiliste qui l'a pris une fois en stop évoque souvent ce souvenir”, nous raconte-t-on. La première rencontre de la Fondation déserts du monde a eu lieu, en décembre 2003, à Timimoun. Environ 2 500 personnes, dont des personnalités étrangères connues, à l'instar de l'éditorialiste du Nouvel observateur Jean Daniel, avaient accepté l'invitation du ministre de l'Environnement, Chérif Rahmani. La rencontre a, certes, sorti Timimoun de sa torpeur le temps d'une semaine. Mais elle n'a généré aucune ressource pour la municipalité. “Quelques hôteliers et artisans ont fait de menus bénéfices. Aucun intérêt pour la ville”, affirme un membre de l'APC. Les autorités locales ont, par ailleurs, refusé d'abriter une autre édition du festival de Cannes junior. “Ce festival nous coûtait de l'argent au lieu de nous en apporter”, explique notre interlocuteur. Le marathon, qui a drainé l'année dernière des centaines de férus des courses atypiques dans le désert, n'a pas eu, non plus, les répercussions escomptées sur les finances de la localité. Selon des sources locales, les organisations participantes à cette manifestation ont eu la “générosité” de faire donation de l'équivalent de 500 000 DA de médicaments. L'édition du marathon de cette année a eu lieu dans la daïra de Tinerkouk, à 70 km de Timimoun. “Le fort ancien de Zaouyet Debagh a été récemment restauré. Il a servi à l'hébergement des participants”, indique le président de l'Office du tourisme. Le manque de structures d'accueil s'érige comme un obstacle au développement de l'activité touristique dans le Gourara. À Timimoun, il n'existe plus qu'un seul hôtel, Le Gourara, offrant une capacité d'accueil relativement importante. L'oasis rouge, dont l'architecture est inspirée de l'art de bâtir soudanais, a été reconverti en centre de rayonnement culturel. L'hôtel Ighzer n'attire plus qu'une clientèle “dépravée”, depuis le suicide du gérant en l'an 2001, selon les dires des autochtones. Sur les trois campings, au décor dépaysant, seul celui de La Rose des sables, construit à la mode ancienne sur la bande frontière séparant la palmeraie de la Sebkha, s'est avéré rentable pour son propriétaire. Les artisans peinent, quant à eux, à écouler, même à bas prix, leurs produits. La conjoncture touristique demeure aléatoire dans une région réputée, cependant, par tant de beauté à vous couper le souffle. La palmeraie se meurt La palmeraie de Timimoun offre un paysage de désolation. Les palmiers se meurent, la terre se dessèche, les parcelles cultivées ne sont plus irriguées. Les stigmates des pluies diluviennes d'avril 2004 sont encore visibles. Selon les élus locaux, les propriétaires des jardins ne se soucient plus de leur entretien, d'où l'état avancé d'incurie dont lequel ils se trouvent. “Les héritiers ne s'intéressent pas au travail de la terre. Ils négligent aussi d'entretenir les foggaras qui tarissent”, nous apprend-on. Afin de parer à l'état de dépérissement de la palmeraie, les autorités locales envisagent de prendre en charge les frais de curage des foggaras. Elles réfléchissent, en outre, à l'installation d'une station d'épuration pour recycler les eaux usées à l'irrigation de la palmeraie. Le transport aérien trop cher L'Office du tourisme de Timimoun a adressé plusieurs correspondances au président-directeur général de la compagnie aérienne Air Algérie, afin d'attirer son attention sur la cherté des tarifs pratiqués sur les vols, liant notamment Alger à Timimoun. Le billet coûte actuellement plus de 17 000 dinars. Un somme importante qui dissuade nombre de gens du Nord à choisir Timimoun, comme destination de vacances. Il a signalé aussi que les prix des billets d'avion vers Timimoun à partir de l'Europe sont nettement plus élevés que ceux de la Tunisie et du Maroc, pour les mêmes distances. “Nous sollicitons en conséquence de votre haute autorité un réexamen des tarifs aériens afin que ces derniers soient revus à la baisse, quitte à ce que le manque à gagner soit compensé par une subvention de l'Etat, et puissent devenir attractifs pour les touristes nationaux et concurrentiels pour les étrangers” a écrit le président de l'organisme. La requête de l‘Office du tourisme est demeurée sans échos. S. H.