Le commerce informel ne s'est jamais aussi bien porté qu'en ce mois sacré, où les camelots ont décidé de l'annexion des rues d'Alger. Maintenant que les lumières se sont éteintes sur les "sahrate" de Sidna Ramadhan, l'on peut avouer que l'activité commerciale illicite s'est bien redéployée durant ce mois sacré dans la capitale, notamment au centre-ville. Aucun bout de trottoir de libre n'a résisté à l'informel. Toutes les rues d'Alger-centre sont occupées par les camelots. Le cas est récurrent chaque année à pareil "maoussim", particulièrement à l'approche de la période des achats des vêtements et des ingrédients entrants dans la préparation des gâteaux de la fête de l'Aïd El-Fitr. Premier constat : Alger détient un taux important dans la consommation de 50 000 t de produits périmés et contrefaits à l'échelle nationale : "Dans bien des cas, la date de péremption indiquée sur le produit n'est réelle que s'il y a eu respect tangible de la chaîne du froid. Or, ce n'est souvent pas le cas, et à ce sujet, la responsabilité du consommateur est tout à fait engagée." C'est l'analyse de l'échec, dressée par Boulenouar Hadj-Tahar, le porte-parole de l'UGCAA (Union générale des commerçants et artisans algériens). Autant de chiffres qui laissent penser qu'il y avait tant à faire afin d'éviter bien des déboires au citoyen lambda, qui avait consommé durant l'année considérée et tout le long du mois de jeûne 1,5 kg de produits oblitérés ou imités : "L'informel représente une aubaine inespérée, c'est pain bénit pour de véreux importateurs et producteurs qui utilisent ce réseau clandestin afin d'écouler des denrées alimentaires dont la date de péremption est arrivée à terme. L'informel, c'est aussi l'opportunité inattendue pour tisser un réseau de points noirs de vente au détail, moyennant un taux d'intéressement convenu entre la source d'approvisionnement et le camelot, afin de compenser le manque à gagner induit par la limite de péremption. En effet, tout le monde y trouve son compte, sauf le fisc, du fait que l'informel n'est assujetti à aucun contrôle sanitaire ou fiscal." Ce à quoi l'auscultation de notre interlocuteur a permis de mettre à l'index la responsabilité des élus locaux, qu'il qualifie d'inaptes à prendre des décisions courageuses par eux-mêmes : "La responsabilité des exécutifs communaux est entière, du fait qu'ils n'actionnent jamais les services d'hygiène des mairies. Si c'était le cas, ces derniers feignent de ne rien voir." Flash-back sur la modification de la stratégie de l'informel durant le mois de Ramadhan : à l'heure où les aswak de banlieue levaient l'étal et pliaient articles et denrées alimentaires, les riverains de l'avenue Ahmed-Zabana auraient vécu des nuits rythmées par le tapage nocturne ! Un cauchemar ! Du fait qu'aucun répit n'avait été accordé aux résidents de l'ancienne Place-Hoche, si ce n'était l'intermède du f'tour. En effet, sitôt passé l'interlude de la rupture du jeûne, qu'une horde de marchands pas du tout ambulants reprenait aussitôt place dans l'enfilade d'étals ouverts de jour comme de nuit à l'estuaire de la rue Ferhat-Boussad. à vrai dire, on se serait cru revivre le tapage diurne du marché de Djamaâ Lihoud à la Basse Casbah ou l'habituel chahut dans l'un de ces aswak d'un faubourg à la périphérie d'Alger. De la sorte, le mieux est d'admettre que le commerce informel ne s'est jamais aussi bien porté qu'en ce mois de Ramadhan, où les camelots avaient décidé, toute honte bue, l'annexion de l'esplanade de convivialité perpendiculaire à la rue Didouche-Mourad. "Avides et louvoyant au-delà de l'artère de l'ancien Meissonnier, ces camelots ne se suffisent plus aujourd'hui de cette venelle et son marché de proximité sis au passage Mohamed-Neggazi. Ils en veulent toujours plus ! Alors, qu'en sera-t-il demain ?", s'était inquiété ce riverain. D'ailleurs, ça n'a pas changé du fait que le tohu-bohu continue de plus belle et pour de substantiels gains durant ces deux jours de la fête de l'Aïd El-Fitr. Pour l'exemple, il ne subsiste aucun bout de trottoir de libre, particulièrement du côté de la boulangerie à Boukadoum ou à proximité de l'ancienne Maison des dattes. C'est dire qu'ils y sont et ils y resteront ainsi dans la durée afin de dénaturer les labels de prestigieuses enseignes commerciales, à l'instar de la pâtisserie le Régal et d'une agence de voyages. Au demeurant, la rue Ahmed-Zabana n'est plus qu'une cour des miracles, où le négoce de bric et de broc à la criée s'ajoute au vacarme des marchands de cacahuètes et de thé. Tout bien considéré, la chasse à l'informel aurait été de courte durée, du fait que ce fléau rebondit à chaque fois comme pour braver l'interdit et toiser les membres de la corporation des commerçants légaux qui cuisaient à petit feu dans l'indifférence de l'autorité et sur l'autel de passe-droits et de l'impunité. Pour s'en persuader, la "secte" adepte de l'économie informelle tenait étal de vêtements de l'Aïd El-Fitr cette fois-ci à la rue Larbi-Ben-M'hidi. à telle enseigne que les riverains ont vécu les volets clos à cause de la vente à la criée sous leurs balcons. L.N.