En Algérie, la retraite complémentaire n'est plus un rêve pour les salariés et les non-salariés depuis que le législateur a institué le régime de retraite complémentaire dans le cadre de la récente refonte de la loi sur les mutuelles sociales (loi n°15-02 du 4 janvier 2015). Ce régime de retraite complémentaire, qui est logé dans le chapitre des prestations facultatives de la mutuelle sociale, prévoit le service d'une pension complémentaire, à caractère pécuniaire, personnel et viager, à l'âge légal de retraite pour tout adhérent justifiant d'au moins quinze années de cotisations à la mutuelle sociale ; s'alignant ainsi sur les conditions du régime général de Sécurité sociale en matière de retraite. Cette prestation sera financée par un fonds de retraite complémentaire, à créer par la mutuelle sociale, dont la gestion financière et comptable est distinguée de celle des autres prestations de la mutuelle sociale. Le placement des ressources financières de ce fonds s'effectue exclusivement en valeur du Trésor public ou en obligations émises ou garanties par l'Etat. La loi a également fait obligation à la mutuelle sociale qui gère un fonds de retraite complémentaire, de souscrire un contrat d'assurance auprès d'une entreprise d'assurances agréée prévoyant, en cas de dissolution ou de cessation de paiement de la mutuelle sociale assurée, le maintien des droits de retraite complémentaire des adhérents de la mutuelle sociale concernée ou le remboursement des cotisations en faveur de ses membres adhérents qui ne remplissent pas les conditions d'ouverture de droit à la retraite complémentaire. Cette obligation d'assurance risque de constituer un obstacle à la mise en place du fonds de retraite complémentaire compte tenu de son caractère particulier et de l'absence de statistiques sur le risque d'insolvabilité des mutuelles sociales qui pourraient dissuader les compagnies d'assurances à fournir, dans l'immédiat, les garanties d'assurance exigées, sur la base des règles de répartition, à quel prix ? De plus, les assureurs rencontrent d'énormes difficultés à réassurer, localement et à l'étranger, des risques d'insolvabilité ; risques qui seraient boudés en réassurance. Ce problème d'assurance peut être résolu par la création d'un fonds de garantie des mutuelles sociales qui, en cas de faillite ou dissolution d'une mutuelle sociale adhérente, prendra en charge l'exécution des engagements pris par la mutuelle sociale défaillante en matière de retraite complémentaire. La pérennité du régime de retraite complémentaire, fondé sur le principe de répartition, ne dépend pas de la couverture d'assurance mais de la solidarité intergénérationnelle entre les cotisants et les pensionnés. Pour éviter l'effondrement de ce régime et à l'instar de certains pays, le législateur aurait pu rendre obligatoire l'adhésion au régime de retraite complémentaire qui constitue le second pilier du système de retraite. Selon la loi précitée, l'adhésion à la retraite complémentaire peut s'effectuer, sous forme collective ou individuelle, sans l'obligation d'adhésion au régime général ou aux autres prestations du régime facultatif de la mutuelle sociale, ce qui représente une grande souplesse. Mais cette souplesse serait mise en cause par les dispositions de l'article 24 de ladite loi qui subordonnent la liquidation et le versement de la pension complémentaire à la liquidation des droits de retraite du régime général de Sécurité sociale ; en absence d'adhésion au régime général de Sécurité sociale, les droits de retraite complémentaire ne pourront jamais être liquidés, ni versés ! En cas de cessation d'activité professionnelle, le travailleur concerné peut rester adhérent à la retraite complémentaire de la même mutuelle sociale à condition de verser l'intégralité de la cotisation y afférente sur la base du salaire perçu au titre de sa nouvelle activité professionnelle. Cette disposition garantit, en cas de rupture de la relation de travail ou de changement d'employeur, la continuité de l'adhésion au régime de retraite complémentaire de la mutuelle sociale d'origine. Les cotisations de retraite complémentaire des travailleurs salariés sont à la charge des bénéficiaires et des employeurs concernés, à part égale, et celles des travailleurs non-salariés sont à leur charge exclusive. Le législateur n'a pas impliqué le fonds des œuvres sociales dans le financement des cotisations de retraite complémentaire des salariés comme il a fait pour les cotisations de retraite du régime général de sécurité sociale. À titre indicatif, le taux global de cotisation à l'assurance de retraite du régime général de Sécurité sociale qui est de 17,25% du salaire soumis à cotisation sociale, est réparti à raison de 10% à la charge de l'employeur, 6,75% à la charge du salarié et 0,5% à la charge du fonds des œuvres sociales. Le taux global de cotisation de la retraite complémentaire est fixé par les statuts de la mutuelle sociale dans les limites suivantes : Les cotisations de retraite complémentaire sont déductibles du revenu imposable. Lorsque l'adhérent à la retraite complémentaire de la mutuelle sociale qui, à l'âge égal de départ à la retraite, ne réunit pas le nombre d'années minimum de cotisations fixé à 15 ans, peut racheter les années manquantes, dans la limite de cinq (5) années, moyennant le paiement des cotisations de rachat mises à sa charge exclusive. La pension complémentaire est servie à compter de la date de jouissance des droits de retraite du régime général de Sécurité sociale. Tableau : 2 Chaque année de cotisation au régime de retraite complémentaire donne droit à un taux de pension complémentaire égal à 0,625% (zéro virgule six cent vingt-cinq pour cent) de l'assiette servant de référence au calcul de la pension de retraite du régime général de Sécurité sociale (actuellement, cette référence correspond à la moyenne des soixante derniers ou meilleurs salaires mensuels soumis à cotisation sociale). Par contre, les conditions de liquidation de la pension complémentaire ne se sont pas alignées sur la limite du montant brut de la pension de retraite du régime général (indiquée à la dernière ligne et colonne du tableau ci-dessous), ce qui constitue un avantage non négligeable pour les salariés qui perçoivent de hauts salaires : Tableau : 3 Le paiement des pensions complémentaires s'effectue aux dates et selon les modalités du régime général de Sécurité sociale en matière de retraite. Elles sont revalorisées chaque année, avec effet à compter du 1er Mai, Fête des travailleurs, sur la base d'un taux de revalorisation proposé par le conseil d'administration de la mutuelle sociale et adopté par son assemblée générale. De plus, il est permis aux personnes adhérentes à plusieurs mutuelles sociales de cumuler les droits de retraite complémentaire garantis par ces mutuelles sociales. En cas de décès d'un bénéficiaire de pension complémentaire d'une mutuelle sociale, ses ayants droit bénéficieront de la réversion de la pension complémentaire selon les règles du régime général de Sécurité sociale en matière de retraite. Aussi, un complément du capital décès (normalement égal à 12 fois le montant mensuel de la pension complémentaire de retraite) devrait être versé aux ayants droit en vertu du second alinéa de l'article 27 de la loi susvisée qui fait application des règles du régime général de Sécurité sociale en matière de retraite. En résumé, les prestations garanties par le régime de retraite complémentaire ci-avant décrit sont : n pension complémentaire directe au profit de l'adhérent ; n pension complémentaire de réversion au profit des ayants droit du pensionné décédé ; n complément du capital décès au profit des ayants droit du pensionné décédé. En conclusion, le régime de retraite complémentaire institué par la nouvelle loi sur les mutuelles sociales va certainement connaître un engouement compte tenu des conditions avantageuses de ce régime. Faute d'expertise dans la gestion du risque de longévité et d'expérience dans le domaine, les mutuelles sociales ont intérêt à se rapprocher des assureurs vie pour qu'elles soient accompagnées ou aidées à mieux gérer la retraite complémentaire en utilisant les techniques appropriées. Ce rapprochement aura, sans aucun doute, des retombées positives sur le marché des assurances de personnes, si les assureurs vie sauront profiter de cette opportunité. D. M. (*) Ex-cadre dirigeant de la SAA