Résumé : Hasna avait été trop brève en présentant ses condoléances à Mordjana et à sa grand-mère. Malika lui en fera le reproche. Elle rétorque qu'elle n'était pas d'humeur à discuter de cette affaire, alors que Samir n'avait pas donné signe de vie depuis deux jours. Malika tente encore de joindre Samir. Vaincu par la fatigue, ce dernier s'était endormi sans demander son reste. Samir s'était endormi tout habillé. Vaincu par la fatigue, il n'avait même pas eu la force de prendre une douche et s'était laissé tomber sur le lit dans la chambre d'Ilhem avant de sombrer dans un profond sommeil. Combien de temps avait-il dormi ? Il ne saurait le dire. Lorsqu'il a pu enfin ouvrir les yeux, il faisait nuit noire. Il allume la lampe de chevet et jette un coup d'œil au réveil-matin déposé sur la table de nuit. Il constate alors qu'il était déjà vingt-deux heures.La réalité reprend vite le dessus et il se rappelle les longues heures passées à la clinique, des bébés et d'Ilhem qui était encore en réanimation. Il saute sur ses pieds et prend son portable. Il avait oublié de le rallumer. En cas d'urgence, personne ne pouvait le joindre, d'autant plus qu'il n'était pas chez lui ni à son boulot.Il s'empresse d'appeler la clinique et de demander des nouvelles de sa femme et des bébés. On lui répondit que les bébés se portaient bien, mais l'état d'Ilhem était toujours stationnaire. Il raccroche et court prendre rapidement une douche, puis revient dans la chambre pour s'habiller. Son téléphone se met soudain à vibrer. C'était Mordjana ! Il s'empresse de décrocher : -Allô Mordjana ? Il entendit un long soupir : -Samir ! Dieu soit loué, je n'ai cessé de ruminer des idées noires à ton sujet. -Des idées noires ? Pourquoi ? -Cela fait plus de deux jours que tu ne m'as pas appelée, et toutes mes tentatives pour te joindre s'étaient avérées vaines. J'ai alors appelé Malika pour demander de tes nouvelles, mais elle aussi s'était heurtée à un portable éteint. Que se passe-t-il Samir ? Le jeune homme se passe la main dans les cheveux. Ses appréhensions reprenaient le dessus. Il ne savait plus par quel bout commencer pour se justifier. -Mordjana, je suis désolé de t'avoir causé autant d'inquiétude. J'étais très occupé. Je pensais t'appeler ce soir pour prendre des nouvelles de ton grand-père. -Que Dieu ait son âme, répondit Mordjana en réprimant un sanglot. -Hein ? Ammi Ameur est décédé ? Quand ? Pourquoi ne l'as-tu pas dit ? -Comment pouvais-je te le dire alors que tu avais éteint ton téléphone ? Nous voici revenus à ce même point. Samir déglutit : -Désolé Mordjana. Je suis vraiment à blâmer. Je vais tout de suite réserver une place dans le prochain vol. Il se rappelle alors d'Ilhem. Va-t-il la laisser livrée à un sort incertain et partir au Sud ? - Il sera enterré quand ? -C'est déjà fait Samir. Nous l'avons enterré ce matin. -Alors je viendrai le week-end. J'étais tellement pris par un projet ces deux derniers jours, des réunions, des conférences, que j'ai vécu hors du temps. Je m'en veux à mort de ne pas avoir pu assister à l'enterrement d'un homme aussi vénérable que ton grand-père. -C'est du passé tout cela, Samir. Viens le week-end. Grand-mère sera heureuse de te revoir et tu sauras la réconforter. -Compte sur moi. Et Amir ? Comment va-t-il ? -Il se porte bien. Il s'amuse avec les enfants de Maroua, et semble heureux de se retrouver dans son petit monde. -Et toi Mordjana ? Tu vas bien ? Le choc ne t'a pas trop ébranlée ? Elle laisse couler une larme puis renifle avant de répondre d'une voix étranglée : -Tu ne peux imaginer ma détresse. J'étais choquée, puis folle d'inquiétude. Je ne savais plus quoi faire ni comment te joindre... -C'est fini. Tu vois bien que je suis vivant. Je vais réserver dès demain sur le vol du week-end. Nous allons affronter ensemble ce coup dur, et tu reprendras vite pied. Ton grand-père était un brave homme, et crois-moi, cela me fait beaucoup de peine de savoir qu'il est parti sans attendre ma prochaine visite. -Nous t'attendrons pour le week-end Samir. Ils raccrochèrent, et le jeune homme garde un moment le portable dans sa main, en se demandant si ses nerfs n'allaient pas lâcher dans les prochaines heures. Il s'habille et prend hâtivement un café avant de sauter dans sa voiture pour se rendre à la clinique. Ilhem remuait ses doigts et tentait d'ouvrir les yeux, mais son pronostic vital était toujours engagé. Elle venait de faire une seconde hémorragie que les médecins ont eu du mal à juguler. Sa tension artérielle demeurait très basse, et on craignait un coma plus profond. Derrière la vitre de la salle de réanimation, Samir regardait cette silhouette amaigrie qui luttait contre la mort. Ilhem était son premier amour. Quelle que soit la tournure qu'avait prise leur relation, ils s'étaient aimés et avaient conçu ces jumeaux qui attendaient de rencontrer leur mère et de téter son sein. Pourra-t-elle revenir vers eux et les prendre dans ses bras ?, se demande Samir. (À suivre) Y. H.