Jamais le hadj n'a été aussi dramatique que cette année. Le bilan des morts dépasse les mille victimes. Mais au-delà du bilan macabre, c'est la responsabilité du royaume saoudien qui est entièrement engagée. La campagne hadj 2015 a très mal commencé avec l'incident de la grue à La Mecque qui a coûté la vie à plus de 200 pèlerins. S'en est suivi l'incendie d'un hôtel dans la même ville sainte, pour finir avec l'insoutenable drame de Mina où plus de 700 pèlerins ont perdu la vie dans une gigantesque bousculade. Si, pour l'incident de la grue, on avait invoqué les conditions climatiques exceptionnelles, la bousculade meurtrière de Mina ne saurait se justifier, d'autant plus que chaque année se produisent des bousculades à cet endroit et que les autorités saoudiennes chargées de l'organisation et de la sécurité des pèlerins le savent mieux que quiconque. Les autorités saoudiennes, engagées, depuis quelques années, dans de gigantesques travaux d'extension des Lieux saints, devraient être conscientes du danger que représente ce genre de travaux sur la campagne hadj qui draine quelque deux millions de pèlerins. Les autorités saoudiennes n'ont pas trouvé mieux, pour justifier un tel drame, que d'accuser les pèlerins de ne pas avoir respecté les consignes de sécurité. Alors que ces mêmes autorités réservent des couloirs spéciaux et spacieux pour les dignitaires saoudiens et autres hôtes de marque pour accomplir les rites du hadj en mode VIP, alors que les centaines de pèlerins morts ou blessés dans la gigantesque bousculade étaient traités comme du bétail. Plusieurs hadjis, et même des journalistes, qui ont filmé la scène de la bousculade, se sont vu confisquer leurs appareils par les autorités saoudiennes, soucieuses de sauver, ce qui pourrait l'être, de leur image de marque. Mais le mal est beaucoup plus profond qu'une simple affaire de marketing : les autorités saoudiennes ont failli à leur devoir d'organiser et surtout de veiller à la sécurité des hadjis. Déjà qu'en temps normal, des incidents se produisaient. Que dire, alors, quand le pèlerinage se déroule en plein travaux ! L'émir de La Mecque s'est empressé de déclarer à qui voulait l'entendre que les autorités saoudiennes avaient l'expérience et le savoir-faire pour gérer ce genre de situation. La réalité montre tout le contraire. Même si, pour l'instant, le seul pays à avoir pointé du doigt la responsabilité du royaume wahhabite dans le drame reste l'Iran, il n'en demeure pas moins que la communauté internationale, notamment les pays musulmans, se murent dans un silence complice, pour ne pas gêner les responsables saoudiens. Le royaume, qui mène une coalition armée au Yémen, sans compter son engagement en Syrie et ses déboires dans la guerre des cours de pétrole, se trouve visé par un plan de morcellement, si l'on croit les analystes qui parient sur une disparition de l'actuelle Arabie saoudite, au profit de quatre Etats distincts. Le bilan macabre du hadj 2015 porte un sérieux coup à l'image que le royaume wahhabite a toujours voulu vendre au monde. Désormais, les responsables saoudiens devraient revoir tout leur dispositif d'organisation et de sécurisation des Lieux saints de l'islam. A. B.