Même si pour l'heure ses contours restent encore flous, "l'initiative" du secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, le lancement du "front national pour le progrès dans la cohésion et la stabilité" ouvert "aux partis, aux syndicats, aux patrons, aux associations et au monde des médias", s'annonce comme un véritable serpent de mer même s'il ne manquera pas de susciter quelques interrogations sur sa finalité. S'agit-il, seulement, comme tentent de l'accréditer certains, de torpiller l'initiative d'Ahmed Ouyahia de relancer l'alliance présidentielle annoncée dès son intronisation à la tête du RND ? Amar Saâdani, arrivé à la tête du FLN dans des conditions pour le moins peu orthodoxes, contestées à ce jour par ses adversaires au sein du parti, nourrit-il en catimini quelques ambitions qu'on ne soupçonnait pas jusque-là ? Encore plus depuis qu'il a été envoyé au charbon pour s'en prendre ouvertement au patron des services, officiellement mis à la retraite depuis quelques semaines. Au regard du contexte politico-socio-économique, il est pour le moins difficile de ne pas y voir le souci des actuels dirigeants de fédérer le maximum de forces autour de "l'appareil du pouvoir" qu'est le FLN pour prêcher "la bonne parole au moment opportun" et "vendre les options décidées" maintenant que l'opinion donne des signes probants de résignation et de renoncement politique, accablée par un quotidien des plus difficiles, éprouvée par des années de terreur, désabusée devant la "démocratisation" de la corruption, notamment la révision de la Constitution, loin de faire l'unanimité. Tout comme pour faire passer la pilule des mesures économiques dont on devine aisément qu'elles ne seront pas accueillies par l'opinion avec des "dattes et du lait". Dès lors que l'instrument qu'on accablait à tort ou à raison de "faiseur de rois" est neutralisé, tout se passe comme si en haut lieu on ressent déjà le besoin de s'appuyer sur une machine — la carte FLN seule étant risquée — capable de mener le "programme présidentiel". "Ça vient (l'initiative, ndlr) de l'évaluation de la situation, de la peur. Il n'y a plus de cohésion dans la décision politique, d'où l'idée de créer un front large. Ce n'est pas une initiative, mais un acte de défense. Ils ont pris la mesure de la défiance qu'il y a dans la société et au sein de certains cercles", explique Karim Tabbou, fondateur de l'UDS, non encore agréé. Mais pour le politologue, Rachid Grim, il s'agit plutôt d'une guerre de positions en perspective de la réforme constitutionnelle. Selon lui, Saâdani tente de se positionner à travers la création de ce front dans l'espoir de tirer quelques dividendes d'éventuelles reconfigurations qui risquent de survenir. Rachid Grim qui observe que cela intervient dans un contexte où "chacun avance ses pions", soutient que pour l'heure "tout est dans la tête de Bouteflika". Alors guerre de positions, ou panique à bord ? Les prochaines semaines nous édifieront, certainement, notamment avec les sorties attendues d'Ouyahia, mais aussi de l'opposition. K. K.