En ces temps de crise, la 18e tripartite du 14 octobre, délocalisée dans un territoire émergent qu'est la wilaya de Biskra et tenue en présence du directeur général du BIT, a été finalement un moment utile du dialogue social mais n'a pas encore épuisé le débat économique et social. Invité mais n'ayant pu y participer pour des raisons d'agenda international convenu de longue date, je dispose pour cette fois du recul critique nécessaire pour en analyser sereinement les résultats. Que peut-on y retenir d'essentiel. Cela a été d'abord un moment de clarification Les trois parties en présence ont en effet profité de cette occasion pour rappeler, d'une part, leurs objectifs et leurs attentes et d'autre part, préciser leurs positions pour l'avenir. Commençons par le gouvernement qui a balisé et explicité sa démarche. D'abord rejet du scénario de rupture en matière de réformes, lu comme "calcul froid et cynique prôné par certaines analyses". Rejet aussi de la remise en cause de la formule 49/51, cette fois malgré la forte pression exercée par un certain nombre de chancelleries et une partie minoritaire du patronat. À l'inverse, confirmation forte de la "réunion des conditions d'émergence d'une base productive et industrielle nationale moderne et compétitive à travers l'amélioration de l'environnement de l'entreprise qu'elle soit publique ou privée". Pour le patronat, tout en se félicitant des positions de soutien exprimées par les pouvoirs publics, constate cependant "un décalage entre cette volonté d'adapter les modes de gouvernance aux novelles réalités économiques et sociales et la lenteur de l'organisation administrative". On retrouve la même tonalité chez les entrepreneurs publics, lesquels, tout en relevant les progrès en matière de dépénalisation de l'acte de gestion notent néanmoins l'inexistence à ce jour de produits financiers alternatifs d'accompagnement des investissements. L'UGTA pour sa part a mis l'accent sur "le développement de l'outil national de production, la mise en valeur de la gouvernance économique ainsi que la promotion du progrès social et de la dimension humaine à travers l'amélioration des conditions de travail". On voit, certes, se dessiner des éléments de consensus entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics mais ils restent à être validés à l'épreuve des faits lors notamment de la prochaine réunion bilan annoncée pour la fin de l'année. À cette date déjà, les premiers effets du plan anti-crise adopté par les pouvoirs publics devraient apparaître. C'est à ce moment que l'on verra si les tropismes et les viscosités bureaucratiques ont fini par céder laissant la place à l'investissement productif bridé à ce jour. C'est à ce moment aussi que l'on verra si l'assiette de la fiscalité ordinaire s'est élargie et si le volume de mobilisation d'autres sources de financement, hors budget de l'Etat, a augmenté. C'est à ce moment enfin que l'on verra si les IDE ont connu réellement une expansion en complément de l'investissement privé national. Sur ces bases, les données de l'économie réelle (entreprises et branches) et celles de l'évolution de la sphère monétaire et financière permettront alors soit de consolider la trajectoire soit, à l'inverse, de l'infléchir par des politiques publiques complémentaires, voire alternatives. On voit bien qu'il y a encore des angles morts dans la démarche de sortie de crise et des domaines non pris en charge totalement ou sous-analysés. Nous avons vu plus haut que les partenaires sociaux l'ont perçu au cours de cette tripartite et quelquefois l'ont exprimé clairement. C'est pour cela que, pour ma part, je souscris à la demande formulée par le Forum des chefs d'entreprise (FCE) d'organiser un débat national économique et social ouvert aux partenaires sociaux et l'expertise nationale en présence des pouvoirs publics. Du reste ce débat avait été amorcé, sur saisine des pouvoirs publics, au sein de l'Atelier des experts réunis par le Conseil national économique et social (Cnes). Qu'il y ait eu un "calcul froid et cynique" de la part de certains analystes n'est pas en soi un problème car la science économique est en elle-même une science lugubre. La question est de savoir ce que l'on en fait. En période de crise, il est toujours plus productif et efficace de décliner tous les scenarii de crise envisageables et leur plan de sortie respectif et ne pas sauter tout de suite vers les solutions. En tout cas le débat économique et social devra être approfondi. La réflexion collective est le chemin le plus sûr pour construire le consensus dont la société et l'économie algériennes ont besoin. Pour finir, la tripartite, née il y a vingt cinq ans, est devenue, au fil du temps, une institution majeure du dialogue social. Consolidée par le Pacte national économique et social de croissance, elle se renforcera davantage lorsqu'elle sera élargie aux autres composantes significatives de la représentation syndicale. Ce n'est pas toujours le cas ailleurs. Tenez, par exemple en France, la grande centrale syndicale CGT a refusé de participer à la Conférence sociale du 19 octobre 2015 sous l'égide du Premier ministre. M. M.