Résumé : Malgré le refus de Nawel de le tutoyer, Nabil insiste et entame une brève discussion avec elle. Il lui parle de la mer et lui conseille de venir plus souvent à la plage pour se déstresser. L'orage éclate, et Nawel rentre chez elle. Salima lui apprend que Nardjesse avait laissé des gâteaux à son intention. Elle semblait heureuse. Pourquoi ? Nawel hausse les épaules : -Les contes de fées existent parfois. Je n'avais pas trop cru à son histoire au début, mais tout compte fait, tout est bien qui finit bien, et tant mieux pour elle. Nardjesse est une brave fille. -Oui. Je l'apprécie moi aussi. Elle se rappelle soudain de sa marmite sur le feu, et court vers la cuisine, sa louche en avant, en lançant d'une voix forte : -Tente de penser à ton avenir toi aussi Nawel. La jeunesse n'est pas éternelle. La jeune femme s'empresse de prendre un bain chaud, avant de rejoindre sa chambre. En attendant le dîner, elle allume son ordinateur et se met à lire les nombreux messages de ses lecteurs. Elle répondit à la plupart d'entre eux, et prend en considération les suggestions des autres. Elle avait noté leurs critiques, et se sentit enfin satisfaite de son travail. Salima vint lui annoncer que le dîner était prêt. Elle se lève et la suit dans la cuisine. Cela faisait belle lurette qu'elles n'avaient pas dîné ensemble toutes les deux, et Nawel se reprochait souvent ces "absences" à table le soir. Salima allait bientôt la quitter, et elle devrait penser à passer plus de temps avec elle. Elle tire une chaise et s'assoit. Sa sœur la sert. Une bonne odeur de chorba au basilic emplit ses narines. Elle prend une cuillère et se met à manger. Salima se met en face d'elle : -Alors, tu consens enfin à penser un peu à ton estomac ? -Oui. Ces odeurs culinaires viendraient à bout du plus résistant des mortels. Comment fais-tu donc pour cuisiner aussi bien ? -Je ne fais que suivre ce que maman m'a enseigné, en sus de quelques astuces apprises par expérience. Ce n'est pas sorcier de cuisiner de nos jours. Il y a tout un arsenal de moyens pour y arriver sans encombre. L'internet, les livres de cuisine, les recettes dans les revues, etc. Il suffirait de s'y mettre. -Oui. Tu as raison. C'est comme lorsqu'on écrit un livre. Il faut tout d'abord réunir tous les "ingrédients" requis : l'idée, la matière, la présentation, le cœur du sujet, avant d'arriver à l'épilogue. Salima l'interrompt : -Ne peux-tu pas parler d'autre chose pour une fois que nous dînons ensemble ? Tiens, rappelles-moi donc la dernière fois où nous avons partagé un repas. Cela fait bien des mois. Ah ! Je crois m'en rappeler, c'était à l'occasion de mon anniversaire. J'avais invité Mourad pour l'occasion, et tu t'es vue dans l'obligation de te joindre à nous. Nawel fait un geste de négation avec sa cuillère : -Non. Ce n'était pas une obligation. C'était un plaisir de partager ce repas avec vous deux. -Pourquoi ne fais-tu pas donc l'effort de partager le dîner chaque soir avec moi ? -J'aimerais bien, mais tu connais mon boulot. Lorsque je suis inspirée, je ne peux me dérober. -Tu peux toujours noter tes idées et les reprendre par la suite. -Ok. Mais tu vois bien que l'écriture demeure une thérapie pour moi. Depuis ma dépression, je ne fais que chercher refuge à mes maux dans les mots. -Pourquoi ne tentes-tu pas de changer un peu ton mode de vie ? Tu es trop cloîtrée et renfermée sur toi-même. Parfois, les gens m'arrêtent dans la rue pour me demander de tes nouvelles. On ne te voit plus ni aux fêtes, ni dans les réunions de famille, ni même dans la rue. La solitude et l'isolement finiront par engloutir toutes tes volontés de reprendre pied. Nawel dépose sa cuillère et s'essuie les lèvres : -Tu connais très bien les circonstances qui m'ont menée à cette situation. Salima la prend en pitié : -Je ne voulais pas te rappeler ce mauvais passage. Excuse-moi Nawel, je voulais juste t'aider à sortir de ta coquille. -Je sais. Je ne t'en veux pas. J'aimerais moi aussi vivre comme avant. Reprendre goût à l'existence et mordre la vie à pleines dents. Seulement, vois-tu, la chose n'est point aisée. Je ne suis plus très jeune non plus pour avoir la force de rebondir aussi rapidement que je le faisais auparavant lorsque je traversais de mauvais moments. -Tu finiras bien par reprendre pied Nawel. Tu es une femme forte. Tu verras bientôt le bout du tunnel. Toutefois, il faut d'abord le vouloir. Tes sorties à la plage t'ont fait beaucoup de bien, il n'y a qu'à voir ta mine. Nawel se remet à manger. Elle repense à sa promenade au bord de l'eau, et à cet inconnu qu'elle avait rencontré deux fois de suite et avec qui elle avait eu une conversation assez étoffée. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas discuté autant avec un homme, et de surcroît un homme qu'elle ne connaissait même pas. Il s'appelait Nabil. C'est tout ce qu'elle savait de lui. Il donnait l'impression aussi d'être quelqu'un de confiant. Elle se rendit compte qu'elle souhaitait le revoir encore une autre fois. La prochaine fois qu'elle se rendrait à la plage peut-être. -Hé ! Où es-tu partie ? Reste donc un peu avec moi. (À suivre) Y. H.