Après près de quatorze heures de négociations, le mouvement des archs de Kabylie et le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, sont parvenus samedi soir à un accord pour “la mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur”. Un accord sous forme d'engagement de part et d'autre pour la mise en œuvre du document d'El-Kseur à travers la mise en place d'un mécanisme constitué des représentants des deux parties pour suivre la mise en application de cette plate-forme. “Animés de la même volonté et soucieux de ne pas retarder encore plus la mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur, le chef du gouvernement et le mouvement citoyen des archs ont décidé d'un commun accord de mettre en place un mécanisme conjoint qui sera chargé du suivi et de la mise en œuvre de la plate-forme d'El-Kseur par l'Etat, dans le cadre de la constitution et des lois de la république algérienne démocratique et populaire”, lit-on dans l'accord. Mais au-delà de l'absence de délai pour la satisfaction de la plate-forme et de la référence aux incidences, le document pèche par une certaine opacité à propos de la circonscription de la mise en œuvre de la plate-forme dans le cadre de “la constitution et des lois de la république”. Faut-il rappeler dans ce contexte que certaines dispositions de la plate-forme renvoient foncièrement à un changement de régime. À toutes ces interrogations et d'autres encore, la délégation a tenté de répondre lors d'une conférence de presse animée, hier, au siège du gouvernement à Alger. Vers la révision de la constitution À regarder de très près l'accord conclu entre les deux parties, il ressort clairement que la satisfaction de la plate-forme d'El-Kseur est tributaire d'un éventuel changement de la constitution. Une éventualité que n'a pas tout à fait exclue Belaïd Abrika, le porte-parole de la délégation. C'est ainsi, par exemple, à la question de la satisfaction du point 11 de la plate-forme, lequel stipule “la mise sous l'autorité d'institutions démocratiquement élues de tous les corps de sécurité”, Belaïd Abrika a suggéré que “les lois de notre pays et la constitution ne sont pas éternelles. La constitution est appelée à un changement, à des réaménagements. Il est vrai que certains points dans la plate-forme nécessitent des changements dans la constitution”, a-t-il dit. Quant au “jugement des assassins et des commanditaires”, il a estimé que les textes actuels permettent de régler cette question. Seul problème qui peut être posé à ses yeux, celui des tribunaux civils. “Mais nous sommes convaincus qu'il est possible de le régler. Il y a l'exemple de l'assassinat de Boudiaf”. Le mouvement est-il favorable à la réconciliation ? “Nous sommes un mouvement pacifique et nous sommes des victimes. Le jugement des assassins trouvera sa solution dans le cadre de la mise en œuvre de la plate-forme. Cette réconciliation ne nous concerne pas”, a-t-il dit. êtes-vous prêts à boycotter le référendum sur l'amnistie si jamais la plate-forme n'est pas satisfaite ? “On s'exprimera au moment opportun”. Tamazight,officiel de fait Pomme de discorde qui a conduit à l'interruption du dialogue l'an passé, la question de tamazight est, selon Abrika, officielle de fait en ce sens que l'article 8 de la plate-forme d'El-Kseur revendique l'officialisation de la langue tamazight. En d'autres termes, le fait que le gouvernement a accepté la plate-forme, il accepte de fait son officialisation, laquelle pourrait intervenir par le biais de la révision constitutionnelle. Cette question n'a pas été pour autant évoquée lors de ce nouveau round de dialogue. “Nous avons changé la démarche dans ce dialogue. Nous n'avons pas remis sur la table la question. Nous la discuterons dans le cadre du mécanisme”, a affirmé Abrika. Un mécanisme dont il est utile de souligner qu'il sera installé la semaine prochaine. Benchicou pourrait être libéré Au centre des discussions avec le gouvernement, la question des six incidences “réactualisées” sera satisfaite dans les prochains jours, à se fier aux déclarations de Belaïd Abrika. Selon lui, la délégation a évoqué avec Ouyahia la libération des détenus de Kabylie, des Aurès, de Ghardaïa, de Ouargla, des étudiants et de Benchicou. “Nous espérons qu'ils seront chez eux avant l'aïd”, a-t-il dit. Il ne précise pas si Ouyahia s'est engagé à les libérer. D'autre part, la réintégration des travailleurs se fera dès “la transmission de la liste”, alors que “le payement des factures de sonelgaz se fera à compter du prochain trimestre, les précédentes seront prises par l'Etat”. Enfin la “défiscalisation est confirmée” alors qu'à propos des “indus élus”, Abrika a indiqué “qu'on attend leur révocation. On attend l'engagement de l'Etat dans les prochains jours mais on n'a pas parlé des élections”. Y a-t-il accord signé sur les incidences ? “Nous avons signé en 2004, nous n'avons fait qu'actualiser”, s'est-il contenté de répondre. En tout, pour la délégation, le dialogue était serein et l'optimisme est de rigueur. “Nous avons senti la disponibilité de l'Etat quant à la mise en œuvre de la plate-forme”, a indiqué Abrika avant de trancher : “Nous considérons que la plate-forme est acquise.” Interrogé sur l'absence de l'usage du vocable “pouvoir mafieux et assassin”, Abrika a soutenu qu'“on ne peut pas qualifier un assassin autrement mais aujourd'hui nous sommes passés de la phase de confrontation à la phase d'application”. Ouyahia : “Les engagements de l'Etat seront respectés” Le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, a indiqué à l'issue de l'accord conclu avec les archs qu'il a exprimé l'attachement de l'Etat aux six incidences, lesquelles seront appliquées à un rythme actif. “On a parlé de la plate-forme d'El-Kseur ensemble et on a abouti à un accord commun pour la mise en place d'un mécanisme de suivi et d'application de la plate-forme dans le cadre de la constitution et des lois de la république”, a-t-il affirmé. Pour Ahmed Ouyahia, “le règlement de cette crise participe d'une démarche globale que prône quotidiennement le président de la république, une démarche de réconciliation nationale, dont la philosophie principale est de réconcilier les Algériens entre eux”. “Les engagements de l'Etat seront respectés”, a-t-il dit.Par ailleurs, Abrika a indiqué que désormais “c'est l'heure de la construction”. K. K.