Depuis des semaines, la crise couvait au sein des structures de Nidaa Tounès, sans que Béji Caïd Essebsi daigne rappeler à l'ordre ses proches, dont son fils qui ambitionne de prendre le contrôle du parti. Moins d'une semaine après avoir décidé du gel de leur participation au sein de Nidaa Tounès, trente-deux députés de ce parti ont annoncé leur démission dans la nuit de dimanche à hier, a rapporté la presse tunisienne. La guerre de succession qui oppose Hafedh Caïd Essebsi, le fils du chef de l'Etat, Béji Caïd Essebsi, au désormais ex-secrétaire général du parti Mohsen Marzouk, a fini par provoquer la cassure au sommet de Nidaa Tounès. Entre tentation d'un pouvoir héréditaire du premier et ambition démesurée de l'autre, les Tunisiens craignent plutôt pour l'avenir politique de leur pays, à peine sorti d'une longue et périlleuse période de transition. Dans son éditorial, le quotidien La Presse n'a pas manqué d'attirer l'attention sur le danger qui guette le pays, à cause de cette guéguerre. "La révolution tunisienne est toujours en panne (...). Et ce constat d'échec est amer. Car, au lendemain des élections démocratiques de 2014, tout le monde avait formulé l'espoir de voir enfin notre pays répondre aux objectifs de sa révolution", lit-on dans l'éditorial du journaliste de La Presse. Outre les problèmes socioéconomiques que vit le pays, "c'est la fragilité de notre paysage politique et le malaise de ses acteurs qui dérangent davantage", ajoute le texte qui accuse les politiques tunisiens de se tromper de combat. "C'est que nos politiques (...), au lieu de regarder vers les exigences de l'étape actuelle et future, se sont orientés beaucoup plus vers leurs intérêts personnels pour basculer ainsi dans la violence. Faute de vision stratégique mais aussi et surtout de conviction politique. Ce déraillement politique désolant a remis malheureusement la Tunisie, pourtant lauréate 2015 du prix Nobel de la paix, au cœur de la tempête", a tranché l'éditorialiste de La Presse, comme pour rappeler que la Tunisie est toujours au creux de la vague, près de cinq ans après la révolution du Jasmin. Hier, Mustapha Ben Ahmed, un membre du groupe des 32, a annoncé que la prochaine étape sera "la constitution d'un nouveau bloc parlementaire au sein de l'ARP (Assemblée nationale tunisienne, ndlr)", a rapporté Tunisie14, un site d'information local en ligne. D'autres députés seraient sur le point de rejoindre le groupe des 32, a ajouté la même source. Si cela se confirmait, ce sera la fin de Nidaa Tounès, trois ans seulement après sa création, à la faveur du processus de transition politique, amorcé au lendemain de la chute de l'ancien régime de Zine El-Abidine Ben Ali. Lancé comme initiative politique, réunissant plusieurs partis libéraux et de gauche, Nidaa Tounès a été transformé en parti par Béji Caïd Essesbsi qui a démissionné de son poste de chef de file, dès sa victoire à la présidentielle de 2014. Dans un entretien à la radio locale Shems FM, un autre député démissionnaire, Mohamed Troudi, a ouvertement accusé le mouvement islamiste Ennahdha, dirigé par Rached Ghannouchi, d'être derrière la crise qui secoue Nidaa Tounès. Pour Mohamed Troudi, dont le parti a formé une coalition gouvernementale, des membres d'Ennahdha poussent au pourrissement. "Je ne peux pas accuser Ennahdha d'avoir contribué aux problèmes au sein de Nidaa Tounes, mais je me permets de dire qu'il existe des parties qui appartiennent à Ennahdha et qui sont en train de pousser Hafedh Caïd Essebsi", a-t-il accusé. L. M.