Ahmed Yousfi, alias Saïd l'Emigré, recherché depuis 2002 par Interpol, a vécu 13 ans avec de fausses identités. Les enquêteurs assimilent son profil à Zandjabil pour être connu dans le milieu des stupéfiants. L'affaire du kidnapping du petit Amine Yarichène, un écolier de 7 ans enlevé le 21 octobre dernier devant le domicile parental à la cité du 11-Décembre-1960 de Dély-Ibrahim, sur les hauteurs d'Alger, est loin de connaître son épilogue. Hier matin, une source proche de l'enquête a révélé la véritable identité de l'instigateur de cet enlèvement qui a semé une psychose générale en Algérie. Et si le dénouement a été heureux pour le petit Amine, libéré après 13 jours de séquestration dans une villa sous scellés depuis 2010, pour une affaire de drogue, il est clair que les enquêteurs de la Section de recherche de la Gendarmerie nationale (SRGN) d'Alger s'intéressent de plus en plus à cette mystérieuse villa qui n'a pas encore révélé tous ses secrets. En effet, bien avant, lors de l'assaut donné par les gendarmes, assistés par des unités spéciales de la Section de sécurité et d'intervention (SSI) de Bab-Ezzouar, des jeunes citoyens de la localité d'El-Harrach avaient fourni de précieux renseignements aux enquêteurs de la SRGN. Suspectée, cette villa deviendra vite une "boîte de Pandore" qui révèlera ses premiers secrets. L'arrestation, le jour de la libération du petit Amine, de plusieurs individus, dont Ahmed Yousfi, alias Saïd l'Emigré, principal instigateur du kidnapping, orientera l'enquête vers la France où cet individu avait séjourné durant les années 2000. Informés, les services d'Interpol en France ont ouvert, eux aussi, une enquête sur un binational qui voulait organiser le transfert de l'argent de la rançon, soit 150 millions de centimes en monnaie européenne. Finalement, il s'est avéré que ce binational n'a pas agi seul. Les enquêteurs ont bel et bien établi que cet individu avait agi avec la complicité d'un autre individu sur le sol français. Ces éléments d'information mettront la puce à l'oreille de la SRGN et ajouteront une nouvelle piste aux investigations entreprises. Aujourd'hui, la SRGN a bel et bien établi qu'Ahmed Yousfi, Saïd l'Emigré est un baron de la drogue, au point d'assimiler son profil à Zandjabil. Mais qui est Saïd l'Emigré ? Cet homme, la quarantaine, avait été arrêté en 2002 en France lors d'une attaque à main armée contre une banque à Nantes. Condamné à 15 ans de prison ferme à la maison de rétention de Ploemeur (Morbihan), il organisera vite son évasion. C'était en septembre 2002 quand Saïd l'Emigré a réussi à détruire le mur de la prison avant d'être évacué, grâce à ses complicités établies dans l'Hexagone, par hélicoptère. Lors de cette opération, par ailleurs qualifiée à l'époque par la presse française, de "grande évasion", Saïd l'Emigré avait assassiné un policier qui était en faction devant la prison de Ploemeur (Morbihan). Condamné par contumace pour vol à main armée, enlèvement et séquestration, mais surtout impliqué dans des affaires liées au crime transnational, il quittera le sol français avec une fausse identité et un faux passeport pour rentrer en Algérie, via le Maroc. Il s'installera à Alger et vivra en "mode silencieux" pendant 13 ans. Excellent pilote de petits avions et de voitures haut de gamme, Saïd l'Emigré a voyagé pendant 13 ans dans plusieurs capitales européennes et maghrébines, notamment en France, au Maroc et en Espagne. Avec combien de fausses identités circulait-il et par combien d'aéroports transitait-il pour échapper à la police française, espagnole et marocaine ? Les enquêteurs de la SRGN ont établi qu'il n'avait jamais voyagé via l'aéroport d'Alger où il était fiché par la police des frontières algérienne (PAF). Entre-temps, il commanditait des opérations d'acheminement de cannabis, de cocaïne et d'héroïne vers l'Algérie en usant de tous ses relais affiliés aux réseaux transnationaux. Il cumulera des richesses inouïes qu'il blanchira dans l'immobilier, le foncier et les voitures de luxe. Les enquêteurs de la SRGN avancent lentement pour recenser et inventorier ses commerces, bungalows, appartements, villas, terrains et véhicules où il avait blanchi des sommes colossales. Arrêté lors de l'assaut donné à El-Harrach pour libérer le petit Amine, Saïd l'Emigré venait de signer son dernier acte. Selon notre source, la SRGN, en collaboration avec Interpol, enquête, actuellement, sur deux individus en fuite sur le sol français, alors que plusieurs autres seront entendus, très prochainement à Alger dans le cadre de l'enquête judiciaire pour tenter d'établir leurs liens avec Saïd l'Emigré. F.B.