"Je suis étonné qu'un ex-officier supérieur qui connaît très bien ses droits et ses devoirs, notamment le devoir de réserve, se laisse aller à dénoncer une décision de justice. Il est le premier à savoir qu'on ne commente pas une décision de justice (...)." Ce propos, tenu avant-hier par le ministre de la Communication, Hamid Grine, suggérait que le général à la retraite Mohamed Mediène, dit Toufik, aurait commis un impair en évoquant, dans sa lettre publiée dans la presse, la décision de justice prise par le tribunal d'Oran qui a condamné le général Hassan à 5 ans de prison. Et qu'il devrait, donc, être jugé. Mais est-il vraiment interdit de commenter une décision de justice ? Pour bien des juristes, c'est non ! "La justice est rendu au nom du peuple et le citoyen a donc le droit de commenter les décisions de la justice", a tranché Me Nordine Benissad, président de la Laddh. Il précise, cependant, que personne n'a le droit de verser dans l'insulte et l'invective. Ce que le général Toufik n'a, au demeurant, pas fait. Me Benissad rappelle que "même les étudiants en droit ne font, le long de leur cursus, que commenter les décisions de justice". Il explique que ce sont les commentaires positifs des décisions de justice qui font avancer les choses et améliorer les prestations de l'institution judiciaire. Il rappelle que si tous ceux qui commentent une décision de justice devaient être jugés, on aurait rempli les prisons d'avocats, de journalistes, de politiques et autres citoyens depuis 1962 à ce jour. Même son de cloche chez Me Amine Sidhoum, qui précise que si le code pénal (article 147) interdit de "jeter le discrédit" sur les décisions juridictionnelles, il n'interdit guère de les commenter. Et dans le cas du général Toufik, souligne-t-il, pas forcément pour le défendre, le code pénal est loin d'être transgressé. L'article 147 du code pénal, citons-le, stipule, dans son alinéa 2, que "les actes, paroles ou écrits publics qui tentent de jeter un discrédit sur les décisions juridictionnelles et qui sont de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance" exposent leurs auteurs aux peines édictées dans les "alinéas 1 et 3 de l'article 144". Ce dont ne s'est pas rendu coupable le général Toufik, selon Me Sidhoum, tant les propos contenus dans sa lettre "ne porte pas atteinte à l'intégrité de l'instance judiciaire en charge de l'affaire du général Hassan, ni à celle du magistrat ayant prononcé le verdict, encore moins à l'indépendance de la justice". Pour Me Sidhoum, le général Toufik "n'a fait qu'apporter son témoignage dans cette affaire et dénoncer l'injustice que des milliers d'Algériens dénoncent depuis 1962 à ce jour". L'avocat rappelle, à juste titre, que seul le ministre de la Justice est habilité à se prononcer sur la lettre du général Toufik et que le ministre de la Communication n'avait pas à se saisir de ce dossier, s'il en est un. F.A.