"Nous vous demandons de vous dresser face à cette loi qui pénalise doublement le citoyen : une fois par la dévaluation volontaire de la valeur du dinar et une autre fois à travers les augmentations prévues dans cette loi, ce qui est un choc qui lui est difficilement supportable", écrivent les signataires du document. C'est une lettre au président de la République d'une page et demie, accompagnée de la liste des signataires, que des parlementaires, au nombre de 92, se revendiquant de différentes chapelles partisanes, ont déposé chez Ahmed Ouyahia, le directeur de cabinet de la présidence de la République, dimanche dernier. Ultime recours dans une démarche poursuivant de faire barrage à la LF 2016, la lettre, intitulée "Requête pour faire tomber le projet de loi de finances 2016", interpelle le chef de l'Etat en sa qualité de garant de la Constitution, faisant appel notamment à son passé révolutionnaire. "Par loyauté à notre pays et par fidélité au mandat que nous a confié le peuple, nous nous adressons à votre haute et honorable autorité en tant que recours légal et légitime pour vous demander d'intervenir pour revoir le contenu de la loi de finances 2016 qui contient des orientations très dangereuses et aux conséquences destructrices pour le peuple algérien et l'avenir du pays, surtout après la violation de la Constituion, de la loi organique 99-02 et du règlement intérieur de l'Assemblée populaire nationale au niveau de la Commission des finances et du budget et au moment de la séance plénière", ont choisi comme entrée en matière les 92 parlementaires qui enchaînent, tout de suite, avec l'énumération des manquements aux lois et règlements cités. "La loi de finances 2016 vient consacrer un dépassement sur les biens de l'Etat, en ce qu'il permet la privatisation de l'Etat avec toutes ses institutions, en violation de la Constitution qui définit dans ses articles 17 et 18 la propriété publique comme bien de la collectivité nationale et en portant atteinte aux intérêts supérieurs de la nation. Cette loi va permettre - et sans arbitre - au ministre des Finances d'agir à sa guise en matière de dépenses publiques à travers des gels, annulations ou réorientation des affectations durant l'année budgétaire, ce qui est à considérer comme une appropriation des prérogatives du Parlement et du président de la République, en violation des articles 122 et 124 de la Constitution", ont fait remarquer les signataires de la lettre, avant d'en appeler à Bouteflika qui "puise sa légitimité et sa raison d'être dans la volonté du peuple" à surseoir à la promulgation de la loi de finances "qui hypothèque le présent et l'avenir de notre peuple par le retour à l'endettement extérieur en permettant au privé national ainsi qu'étranger établi en Algérie, de recourir à des prêts à l'étranger sous garantie du Trésor public". Pour les 92 parlementaires, cette disposition remet en cause la souveraineté des décisions politiques et économiques de l'Etat. Aussi font-ils appel à Bouteflika, dont ils évoquent le passé révolutionnaire, pour veiller à la protection des droits fondamentaux des citoyens, notamment les droits économiques et sociaux, conformément au serment prévu par l'article 76 de la Constitution. "Nous vous demandons de vous dresser face à cette loi qui pénalise doublement le citoyen : une fois par la dévaluation volontaire de la valeur du dinar, et une autre à travers les augmentations prévues dans cette loi, ce qui est un choc qui lui est difficilement supportable", est-il noté encore dans la supplique des parlementaires qui précisent que "la loi de finances que le gouvernement veut imposer est le fruit de l'intervention des lobbies de l'argent dans la gestion des institutions de l'Etat, parmi elles le pouvoir législatif et ce, dans le but de soumettre le pays en entier, ses biens, ses richesses et ses institutions à l'accaparement". La lettre au président de la République, qui n'a toujours pas eu de réponse, et dont la portée est plutôt politique, a été signée par 40 députés de l'AAV, 20 députés du PT, 8 députés du FJD, 6 députés du FLN, 4 députés du MN, 2 députés de l'ANR, 2 députés MCN, 1 député pour l'UFDS, MPA et RPR, des députés indépendants et 2 sénateurs que sont Zohra Drif, du tiers présidentiel, et Djaâfar Nourredine, du FLN. Notons que le FFS, ayant pourtant pris part à la fronde contre la LF 2016, n'est pas signatiaire de cette lettre. S.A.I.