La Holding Contel Algeria devait créer une société mixte avec Funkwerk Plettac en vue d'installer une usine de fabrication de caméras de surveillance en Algérie et c'est ce projet qui aurait mis la puce à l'oreille des enquêteurs du DRS, lesquels ont découvert, au bout de l'enquête d'habilitation préalable à l'autorisation du ministère de la Défense, que les enfants de l'ancien P-DG de Sonatrach, Mohamed Meziane, ont été associés dans cette entreprise qui a eu à décrocher des contrats avec la compagnie nationale. Le président du conseil d'administration de Contel Algeria, Mohamed Réda Djaâfar Al-Ismaïl, dont l'audition s'est poursuivie pendant presque toute la journée d'hier, a eu du mal à justifier des virements effectués par son partenaire allemand Funkwerk Plettac et l'origine de fonds ayant servi à l'acquisition de son appartement parisien ainsi que celui payé au profit de la regrettée épouse de l'ancien P-DG de Sonatrach Koucem Djerroud. Mohamed Réda Djaâfar Al-Ismaïl avait, en effet, reçu des sommes cumulées de près de 2,5 millions d'euros dont les magistrats instructeurs indiquent qu'ils ont été couverts par "des contrats de consulting pour couvrir des prestations fictives". "Comment se fait-il que Funkwerk Plettac vous engage en tant que consultant alors que vous êtes le président du conseil d'administration d'un groupement dans lequel cette même société est engagée ? Vous êtes quand même le patron !", s'interroge le juge. "J'ai été engagé comme consultant pour veiller sur les intérêts de Funkwerk Plettac, en dehors de notre partenariat, parce que ses dirigeants ne connaissent pas l'Algérie. Je m'occupais de tout, les démarches avec l'administration, les douanes, les banques, le marketing, etc., et j'ai été rémunéré pour ces prestations. J'ai fait la nourrice pour cette société en quelque sorte", se défend M. Al-Ismaïl. Confronté à ces déclarations pendant l'enquête préliminaire puis l'instruction pour en soulever les contradictions, M. Al-Ismaïl a tantôt confirmé ses propos, tantôt accusé les enquêteurs du Département de renseignement et de sécurité (DRS) d'avoir déformé ses propos. "L'idée d'associer les enfants de Mohamed Meziane dans votre société était la vôtre ou ce sont les enfants de Meziane qui se sont rapprochés de vous ?", revient le juge à la charge. "Mohamed Réda m'a proposé de créer une entreprise de transport mais, pour optimiser mes moyens, j'ai opté pour la création d'une filiale au sein de mon entreprise dans laquelle j'ai associé Bachir Faouzi. Cela a été décidé par l'assemblée générale tenue le 7 décembre 2004 et Bachir Faouzi a bénéficié de 200 parts le 5 janvier 2005. Quant à Mohamed Réda, il n'a intégré la société qu'en 2008, à la faveur de sa réorganisation en holding. Les deux frères ont néanmoins cédé leurs parts dans la société avant la signature en 2009 du protocole d'accord avec les Allemands pour créer une société mixte dans l'objectif d'installer une usine de caméras de surveillance en Algérie", précise-t-il. C'est justement ce projet de société mixte qui aurait mis la puce à l'oreille des enquêteurs du DRS. Ce projet nécessitait une autorisation du ministère de la Défense et les statuts de l'entreprise, présentés au service compétent, indiquent que Bachir Faouzi et Mohamed Réda, enfants de l'ancien P-DG de Sonatrach Mohamed Meziane, ont été à un moment associés dans cette entreprise qui a eu à décrocher des contrats avec la compagnie nationale. Le juge n'a en tout cas pas manqué de confronter l'accusé à des preuves matérielles retrouvées dans sa documentation et qui indiquent que le fils du P-DG Mohamed Réda ainsi que sa regrettée maman Koucem Djerroud devaient bénéficier de contrats de consulting auprès de Funkwerk Plettac avant que cette dernière ne se rétracte sous prétexte que cela pourrait poser problème dans ses transactions avec Sonatrach. "En quoi la défunte épouse de Mohamed Meziane, femme au foyer qu'elle était, conseillerait une entreprise allemande spécialisée dans un domaine aussi pointu qui est la télésurveillance ?", s'étonne le juge. "Ce sont des brouillons et mon intention était de montrer à Réda, qui voulait travailler avec eux comme consultant, les clauses contractuelles", tente de convaincre Al-Ismaïl. "Je ne connaissais pas la réglementation des marchés publics et je ne pensais pas qu'une entreprise de la taille de Sonatrach puisse conclure des contrats en violation de la réglementation en vigueur. Je me concentrais plutôt sur les volets techniques liés à la qualité des prestations. Et je ne peux que me vanter d'avoir réalisé ces tâches dans les délais et dans les normes alors que d'autres entreprises ayant bénéficié de parts beaucoup plus importantes que la nôtre dans ce projet, ne les ont toujours pas terminées", ajoute Al-Ismaïl. "Laissons les aspects techniques de côté, vous en avez assez parlé, ce qui nous intéresse ici, ce sont les questions juridiques pour pouvoir déterminer les responsabilités. Mohamed Meziane, savait-il que ses enfants étaient associés dans votre entreprise ?", interroge le juge. "Je ne sais pas, mais je pense qu'il le savait, puisque dans mon offre, j'ai présenté les statuts de l'entreprise où son fils figure comme associé". Aucun marché avec Contel Funkwerk n'est passé par le Baosem ! L'audition Mohamed Réda Djaâfar Al-Ismaïl a été interrompue hier par le juge à la demande de l'accusé. "Je suis saturé et je ne peux continuer", sollicite-t-il. C'était en fin de journée. Son audition tire en tout cas à sa fin et il ne reste que les questions que doivent lui poser les avocats et le représentant du ministère public. Le tribunal criminel a ainsi enchaîné avec un autre accusé à savoir Mustapha Hassani, poursuivi pour les délits de participation dans l'octroi d'avantages injustifiés et la participation dans la dilapidation de deniers publics. C'est lui le signataire de tous les marchés décrochés par le groupement composé par Contel Algeria et Funkwerk Plettac. Il a tout nié en bloc soulignant qu'il n'a jamais été associé dans le processus de décision et à partir de sa position de directeur de la production dans la division amont, il ne pouvait refuser les instructions qui viennent d'en haut. "Qui a fait pression sur vous pour signer ces contrats ?", demande le juge. "Personne ne peut faire pression sur moi monsieur le président !", assène-t-il. "Alors ?". "Je gérais 600 projets et je ployais sous la charge de travail. Le travail de vérification ne se fait pas à mon niveau", répond-il. "Vous savez, au moins, que les montants de ces contrats ne vous autorisent pas à le faire de gré à gré !", coupe le juge. "Oui mais moi j'exécute des ordres et si je ne l'avais pas signé, on n'aurait pas avancé", réplique-t-il. "Comment les instructions pour ces marchés précisément vous sont-elles parvenues et d'où ont-elles émané ?" L'accusé cite le vice-président chargé de l'amont sans prononcer son nom avant que le juge ne lui souligne que les émissaires qui lui ont porté les instructions étaient d'un rang inférieur au sien alors qu'il avait accès directement au vice-président chargé de l'amont Belkacem Boumediene en l'occurrence. Il convient néanmoins de préciser que selon l'instruction, les marchés passés avec le groupement Contel Algeria Funkwerk n'ont pas été enregistrés au Bulletin des appels d'offres du secteur de l'énergie et des mines (Baosem), l'équivalent du Bulletin officiel des marchés de l'opérateur public (Bomop) où toutes les étapes d'une procédure d'un marché public doivent être publiées (appel d'offres, avis d'attribution ou d'annulation de marchés, etc.). Ce que l'accusé a confirmé tout en rejetant toute responsabilité parce que cela ne relève pas de ses compétences mais du service juridique de la compagnie. L. H.