La marée humaine qui a déferlé, hier, dès les premières heures de la matinée, sur le petit village d'Ath-Ahmed, dans la commune d'Aït Yahia, pour rendre un ultime hommage à Hocine Aït Ahmed a fini par avoir raison du dispositif d'ordre mis en place par la population en collaboration avec les autorités locales et les instances du FFS. À Thissirth Nechikh, à deux kilomètres du village Ath-Ahmed, la vaste plateforme aménagée pour exposer la dépouille du chef historique s'est avérée trop exiguë pour contenir toute la foule. Dans la matinée, le dispositif a réussi, tant bien que mal, à maîtriser la situation en assurant l'ordre et la sérénité. Les heures passant, la foule ne cessait de grossir. Les routes, habituellement peu fréquentées, d'Aïn El-Hammam, de Souamaâ et de Mekla ne cessaient d'alimenter le fleuve humain qui se déversait tel un torrent sur Thissirth Nechikh. 11h. On parle déjà de plusieurs centaines de milliers de personnes. Plus d'un million, selon certains organisateurs. "Plus populaires que les funérailles de Mandela et de Che Guevara", estime un ancien de 1963. "Des funérailles populaires simples, simples, simples..., comme il les a souhaitées", clame, au micro, Farid Bouaziz, fédéral du FFS, devant unne foule calme. 11h30. La dépouille d'Aït Ahmed arrive. Le dispositif d'ordre vole en éclats. Le cercueil venait à peine d'être installé sous le chapiteau réservé à cet effet que la situation tourne à un indescriptible désordre. Une anarchie qui a laissé les organisateurs médusés. Dépassés. Les agents de la Protection civile qui le transportaient ont désormais besoin d'être secourus ! Le fédéral du FFS perd la voix. Boussad Aït Ahmed, la voix usée et éprouvée par les longues veillées depuis l'annonce du décès, supplie la foule d'évacuer le chapiteau. En vain. Ali Laskri, membre du directoire national, tente, à son tour, de calmer la foule. Peine perdue. La grandeur et le mérite de l'homme sur lesquels il a tenté vaillamment de surfer n'ont pas payé. La foule devient hystérique. Incontrôlable... Cependant, à l'entrée de la vaste place, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, en compagnie d'une brochette de ministres et du wali de Tizi Ouzou, tente de se frayer un chemin. Aussitôt repéré, il est hué. Il a même eu droit à une séance de jets de bouteilles. Il rebrousse chemin. Avant la délégation, des personnalités nationales ont défilé sous les applaudissements de la foule. Ali Benflis, Mouloud Hamrouche, Abdallah Djaballah, Mohamed Douibi, Mokrane Aït Larbi, Mohcine Belabbas et surtout le bus qui transportait la famille du défunt, et bien d'autres, ont été favorablement accueillis par la foule. 12h30. Les organisateurs arrachent difficilement une minute de silence. La prière avec beaucoup de peine. Un quart d'heure plus tard, la dépouille de Hocine Aït Ahmed est à nouveau transportée par la Protection civile vers le centre du village d'Ath-Ahmed où le "héros" doit reposer dans la tombe même de sa mère aux funérailles de laquelle il n'a pu assister en 1983. 14h. Le village d'Ath-Ahmed est déserté dans le calme. Désormais, il devient un village de pèlerinage. S. L.