En temps de crise, les choix économiques, souvent très réduits, resteront inopérants tant qu'ils n'auront pas recueilli un consensus politique et une adhésion populaire. Il n'y a pas si longtemps, alors que la crise était déjà bien installée, sinon aiguë, du moins menaçant d'être plus sévère, le président de la République recommandait à son gouvernement de dire la vérité au peuple. Ce langage de vérité auquel Bouteflika appelait, concerne surtout, sans nul doute, la situation financière du pays. Le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, semble l'avoir entendu, puisqu'il a dévoilé hier la vérité du Fonds de régulation des recettes (FRR), en indiquant que les versements ont chuté de 80% durant les 10 premiers mois de l'année 2015. Soit, mais de quoi cette vérité est-elle annonciatrice ? Un manque à "thésauriser" d'une telle ampleur devrait inciter le gouvernement à entrevoir des solutions. Peut-être, de toute urgence. D'autant plus que les perspectives financières, telles qu'elles se dessinent pour le pays à moyen, voire à court terme, ne prêtent guère à l'optimisme. Au rythme de la dégringolade du prix du baril du pétrole sur le marché, l'épuisement du Fonds de régulation des recettes, alimenté essentiellement par le différentiel entre la fiscalité pétrolière budgétisée et celle générée par la vente du pétrole, peut, en effet, survenir plus tôt que prévu. Par conséquent, l'Etat serait plus tôt confronté à la difficulté, voire carrément à l'incapacité à équilibrer son budget. Les analyses les plus sérieuses estiment que, face à la sombre perspective financière, et donc économique, les choix sont réduits, mais surtout difficiles. En même temps que de se rendre à davantage d'austérité, avec tout ce que cela implique comme coût social, il faut chercher la ressource pour financer le déficit budgétaire ailleurs que dans la fiscalité pétrolière dans la ressource. Et de tels choix resteront inopérants tant qu'ils n'auront pas recueilli un consensus politique et une adhésion populaire. Consensus et adhésion qui, à leur tour, ne seront possibles, il importe de le souligner avec insistance, que dans le cas d'un gouvernement de compromis qui verra son magistère s'articuler autour d'une feuille de route politicoéconomique qui situe clairement les objectifs. Autrement dit, pour éviter que le pays ne s'enlise dans l'impasse économique, il est plus que nécessaire de faire appel à un nouvel exécutif, auquel il faut impérativement satisfaire à un préalable : avoir l'audace politique de reconnaître les ratés cumulés de la gouvernance économique poursuivie depuis l'avènement de Bouteflika au pouvoir. Un long règne ou seule la dépense a fait office de programme économique. À chaque fois qu'il a postulé à un renouvellement de bail pour le palais d'El-Mouradia, Bouteflika se suffisait d'annoncer la cagnotte et, donc, se dispenser de l'effort d'affiner un programme économique. Aussi, après 16 années de présidence, marquées par une exceptionnelle opulence financière et des dépenses faramineuses, le pays se retrouve à appréhender un recours forcé à l'endettement extérieur, c'est-à dire un retour à la case départ. Conscient certainement de cela, le pouvoir ne semble pour autant pas disposé à réviser sa démarche économique, laquelle passe par un changement d'attitude politique. Cela est d'autant plus vrai qu'il poursuit de se montrer inaccessible au compromis politique. Le pouvoir ne laisse en effet transparaître aucune volonté à le rechercher, encore moins à accepter celui qui lui serait éventuellement proposé par la classe politique. La proposition d'une transition démocratique négociée, formulée par l'opposition en 2014 déjà, est demeurée, à ce jour, ignorée. Le refus de compromis politique est d'ailleurs plus apparent à travers le projet de révision de la Constitution, un texte dont l'élaboration est loin d'avoir obéie au principe du consensus. Preuve en est que les promoteurs du projet de la loi fondamentale du pays se sont faits sourds aux doléances que l'opposition n'a de cesse d'exprimer. Et en ayant agi de la sorte, ils réduisent encore plus les chances de consensus et de compromis politiques. Ce qui peut s'avérer lourd de conséquences pour le pays. Sofiane Aït Iflis