L'intégrité territoriale de l'Irak, que les coalisés ont toujours défendue, après avoir mis fin au régime de Saddam Hussein après les deux guerres du Golfe de 1991 et 2003, est plus que jamais menacée. En effet, le principal dirigeant du Kurdistan irakien, Massoud Barazani, a appelé hier à la tenue d'un référendum sur un Etat kurde dans le nord de l'Irak. Le leader kurde prend le risque de faire monter la tension avec Bagdad en pleine guerre contre les terroristes de l'organisation autoproclamée Etat islamique (Daech), qui occupe une partie du Kurdistan irakien. "Les conditions sont maintenant réunies pour que le peuple prenne une décision sur son avenir par référendum", a déclaré le président de cette région, autonome depuis 1991, et qui fait face à une crise institutionnelle et financière. Il revient donc à la charge dix-huit mois après son dernier appel public en ce sens. Sans préciser à quel horizon il envisageait la tenue de ce scrutin, Massoud Barazani a affirmé que "ce référendum ne mènerait pas nécessairement à la création immédiate d'un Etat (kurde) mais permettrait de connaître la volonté et l'opinion du peuple du Kurdistan concernant son avenir". Il y a lieu de signaler que le mandat de président Massoud Barzani, chef du puissant Parti démocratique du Kurdistan (PDK), est arrivé à échéance en août 2015, mais il continue de diriger la région au terme d'un arrangement politique critiqué par des opposants au pouvoir. Ce problème institutionnel se double d'une crise financière dans cette région riche en pétrole durement frappée par la chute des cours du brut, qui ne peut pas, contrairement à un Etat, faire appel aux marchés obligataires pour emprunter de l'argent et financer ses besoins budgétaires. Le versement des salaires de certains fonctionnaires du gouvernement du Kurdistan irakien est en retard de plusieurs mois, et des grèves de plusieurs jours ont eu lieu à l'automne dernier. En outre, le Kurdistan, qui était une destination touristique prisée en raison de la sécurité qui y régnait, a subi les contrecoups de l'offensive à l'été 2014 du groupe jihadiste Etat islamique (EI) qui a vu des centaines de milliers de personnes chassées de chez elles s'y réfugier. Par ailleurs, sur le plan politique, au-delà du principe même d'un référendum d'autodétermination auquel le gouvernement fédéral de Bagdad est opposé, c'est l'aire géographique sur laquelle il serait organisé qui fera sûrement l'objet d'un contentieux entre Bagdad et les Kurdes. Le Kurdistan irakien est en effet officiellement formé de trois provinces irakiennes (Erbil, Dohouk et Souleimaniyeh), mais ses forces contrôlent actuellement des secteurs dans quatre autres provinces que Bagdad veut absolument garder dans le giron fédéral. C'est le cas notamment de la province multiethnique et riche en pétrole de Kirkouk, principalement tenue par les forces kurdes. C'est dire que l'objectif visé par Massoud Barazani risque de buter sur de nombreux obstacles. Merzak Tigrine