En cette veille de commémoration du 45e anniversaire des nationalisations des hydrocarbures, on peut dire que le secteur des hydrocarbures en Algérie a atteint son âge de raison après avoir relevé de nombreux défis dans le passé, avec des succès relatifs en amont et quelques revers en aval. Mais pour autant peut-on dire qu'il est en situation de résister, voire même de faire mieux pour les prochaines décennies ? A priori cela paraît difficile tant les fondamentaux sur lesquels il s'appuie sont ébranlés : baisse de la production d'hydrocarbures liquides et gazeux amorcée en 2007 mais plus visible à partir de 2012, crise pétrolière de 2014 qui a laminé les prix du baril, structure des marchés gaziers en mutation et arrivée de nouveaux concurrents. Pour sortir de cette situation problématique, certains responsables du secteur prévoient un réalignement des planètes en 2020 : remontée des prix du pétrole brut à un niveau acceptable entre 70 et 80 dollars (AIE) et retour également, dès cette date, à une production nationale d'hydrocarbures du niveau de celle de 2007("224 millions tep en 2019 soi 96% de celle de 2007", selon le ministre en charge de l'énergie). Le tout est de savoir si ces deux événements annoncés ont un niveau élevé de survenance simultané et sous quelles conditions. Cela nous permettra d'évaluer froidement et en toute sérénité les différents scénarii. Si le premier membre de l'équation semble faire consensus quant à un retour à un prix raisonnable du baril de brut en 2020, le facteur d'incertitude du second est plus élevé. Trois thèses s'affrontent. Celle "optimiste" des responsables du secteur qui estiment, dans leurs rares sorties médiatiques, que la reprise de la croissance du secteur est assurée à terme. Celle "décliniste" de quelques observateurs locaux et étrangers qui répètent, à longueur de colonnes, que ce dernier est déjà entré dans un processus d'épuisement structurel irréversible de nos ressources d'hydrocarbures. Et enfin celle "réaliste" de beaucoup d'experts pétroliers algériens qui concluent dans leurs contributions que les quantités exportables annoncées ne seront pas au rendez-vous en 2020. Avant de vous livrer mon opinion examinons les arguments et contre-arguments des uns et des autres. Commençons par ceux des déclinistes qui s'appuient sur deux faits pour valider leur assertion. D'abord le trend baissier de la production algérienne d'hydrocarbures, constaté entre 2012 et 2015, est pour eux un phénomène structurel irréversible. Ensuite ils relèvent que "le taux de récupération des réserves est l'un des plus faibles de la région MENA". Optimiste le premier responsable du secteur, le ministre de l'Energie, Salah Khebri, affirme que le retour au niveau de production de 2007 est réalisable en 2020 en déployant une stratégie à trois volets. Le premier volet est l'amélioration des taux de récupération des méga-gisements de Hassi R'mel (gaz) et Hassi Messaoud pétrole). Le deuxième volet met l'accent sur "l'accélération de la mise en exploitation des gisements en cours de développements de Ahnet-Tidikelt, de Tinhert, de Timimoun et de Reggane". Le troisième volet porte sur l'intensification de "l'effort de forage" autour de deux axes : l'appréciation et l'évaluation des découvertes déjà réalisées et la prospection de nouvelles zones moins connues. Enfin s'agissant de la troisième option "réaliste", celle de beaucoup d'experts algériens, elle s'appuie sur le principe de réalité et le retour d'expérience de l'activité amont. Ces derniers focalisent leur argumentation sur deux constats. Le premier constat est que ce qui reste à découvrir en pétrole et gaz conventionnels sera de moindre volume et plus coûteux à mettre en exploitation. Le second constat est que la plupart des grands gisements sont entrés en déplétion par exemple Hassi Messaoud, Hassi R'mel mais aussi Berkine. En d'autres termes l'amélioration des quantités extraites ne sera significative que si l'on prend le risque de produire au maximum au détriment de la durée de vie des gisements sera plus courte. Vous l'avez sans doute compris, je suis plutôt partisan de cette dernière option qui peut, certes, être améliorée. Sous réserve évidemment de la sécurisation et de la décentralisation du cadre de fonctionnement managérial de Sonatrach afin que les initiatives techniques et opérationnelles soient prises, en toute responsabilité, au niveau des régions et des champs. C'est ce défi que Sonatrach aura à relever et elle en a la motivation et le potentiel. Lui fixer des objectifs plus élevés me paraît risqué et au bout du compte peut s'avérer contre-productif. Pour conclure, on voit bien que notre équation énergétique est en train de sortir de l'empreinte carbonée facilement acquise depuis les nationalisations de 1971, surtout si l'on ajoute le report du recours aux hydrocarbures non conventionnels. C'est aussi ailleurs qu'il va falloir chercher les solutions. Par exemple, dans la promotion des énergies renouvelables dont il ne suffit pas d'annoncer un programme ambitieux pour qu'il soit réalisé. Là, également, des difficultés techniques et financières de mise en œuvre apparaissent sans prise en charge affichée ni mise à jour des objectifs. J'aurai l'occasion de vous en reparler.