L'opposition syrienne, sous l'influence directe de l'Arabie saoudite, sait pertinemment qu'elle n'est pas en position de force pour exiger quoi que ce soit de Bachar al-Assad ou de la communauté internationale, y compris de ses soutiens occidentaux. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, ont souhaité, lors d'un entretien téléphonique vendredi soir, la reprise rapide des négociations de paix sur la Syrie, mettant ainsi la pression sur les parties syriennes, notamment sur une opposition armée divisée et plus que jamais affaiblie. Les Nations unies, qui supervisent le processus de dialogue intersyriens, espèrent que les pourparlers redémarreront le 10 mars à Genève, d'où l'appel de Moscou aux deux parties (régime de Damas et opposition) "à engager le plus tôt possible des négociations (...) entre le gouvernement syrien et tout l'éventail de l'opposition, pendant lesquelles les Syriens eux-mêmes devront déterminer l'avenir de leur pays". Les discussions avaient été repoussées du 7 au 9 mars "pour des raisons logistiques". Il n'en demeure pas moins que l'opposition syrienne est toujours très réticente à reprendre les discussions, qui sont prévues le 9 mars prochain à Genève, après une semaine de précaire trêve des combats. Riad Hijab, coordinateur du Haut comité des négociations (HCN), qui regroupe responsables politiques et représentants de groupes armés de l'opposition, a affirmé que les conditions ne sont "actuellement pas propices" à une reprise de ces négociations. Ce haut responsable de l'opposition syrienne, qui était de passage à Paris, a rencontré, vendredi, les chefs de la diplomatie française, britannique, allemande et européenne. Ces derniers ont insisté sur la nécessité d'une reprise rapide des négociations, au moment où la trêve des combats initiée par la Russie et les Etats-Unis, avec le soutien de l'ONU, et en vigueur depuis le 27 février, reste très fragile. Riad Hijab a tenté de justifier la position de l'opposition par le fait qu'"il n'y a pas de levée des blocus, pas de libération des prisonniers, pas de respect de la trêve et pas d'acheminement de l'aide humanitaire" et que depuis sept jours "ont eu lieu 90 raids aériens sur une cinquantaine de zones libérées". Il a, néanmoins, laissé la porte ouverte à une participation en ajoutant : "Il est prématuré de dire qu'il n'y aura pas de reprise des négociations. Nous allons nous consulter, et à la lumière des développements, nous prendrons notre décision." Dans la foulée, Riad Hijab a réitéré sa position par rapport au président syrien Bachar al-Assad, en affirmant qu'il n'avait pas de place dans une future transition politique, "car il a les mains tachées de sang". Dans le même ordre d'idées, le chef de la diplomatie saoudienne, Adel al-Jubeir, a affirmé hier à Paris : "Pour nous, c'est très clair, il doit partir au début du processus de transition, pas à la fin." Et d'ajouter : "Un organe de transition est mis en place, le pouvoir passe d'Assad à cet organe de transition, et il s'en va. Ensuite, l'autorité de transition rédige une nouvelle Constitution et prépare les élections. Certains estiment que Bachar al-Assad reste jusqu'aux élections, ce n'est pas notre point de vue." À ce sujet, l'envoyé de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a souligné qu'il revenait aux Syriens de "décider du sort du président", dont le cas constitue l'un des principaux points de blocage à une résolution politique du conflit. Mais le ministre saoudien des Affaires étrangères a indiqué, à ce propos, qu'"il n'y a aucune possibilité (...) Les Syriens ont parlé lorsqu'ils ont pris les armes contre Bachar al-Assad, et ils ont été très clairs : il ne sera pas leur président". Rencontres et coups de téléphone se sont multipliés, durant toute la journée de vendredi, depuis Paris, entre les soutiens européens de l'opposition syrienne et l'allié russe du régime de Damas, dans l'espoir de voir les deux parties autour d'une table, le 9 mars prochain, à Genève. Merzak Tigrine