Résumé : Hemmama trépassera en mettant son troisième enfant au monde. Kaci, affligé, rentre de France et, avant de repartir, confiera ses enfants à Tassadite et Aïssa, qui devraient les garder jusqu'à nouvel ordre. Mais Kaci, anéanti par son chagrin, devint un SDF. Un jour, on retrouvera son corps dans la Seine. Est-ce un crime ? -On ne le saura jamais. Kaci n'avait personne au village pour le pleurer. Quelqu'un proposera de faire rapatrier sa dépouille pour l'enterrer auprès de sa femme. Mais cela coûtait les yeux de la tête, et à cette époque, les gens partaient en France pour mettre les leurs à l'abri de la misère. Malgré leur bonne volonté, ils ne pourraient jamais ramasser la somme nécessaire pour rapatrier le corps de leur compatriote. L'affaire était donc close. Kaci sera enterré dans une fosse commune. Une prière sera prononcée hâtivement pour le repos de son âme. Et les enfants ? Tassadite s'inquiétait pour les petits. On ne connaissait rien sur la famille de Kaci, ni sur celle de Hemmama. Ils n'étaient pas du village, et personne n'avait jamais pensé à leur demander où se trouvaient leurs familles respectives. Il n'y avait rien à dire ni à faire. C'est le destin qui a tranché pour nous et pour ces gosses qui, désormais, étaient les nôtres. Tassadite, bien que triste, semblait soulagée à l'idée de garder les trois petits indéfiniment auprès d'elle. Nous n'étions pas riches, mais je savais gagner ma vie, et ils ne manquaient de rien. Après mûre réflexion, nous décidons de rentrer dans notre village. Tant pis pour les convenances. Maintenant, nous sommes mari et femme et... parents de trois adorables chérubins. Mon cœur s'emplit d'aise. Je ne suis plus l'homme stérile, montré du doigt par les autres, et qui risquait de mourir sans descendance. Je suis plutôt comblé. J'ai une fille de quatre années, et deux garçons de deux ans et de six mois. Je fais vite un calcul hâtif pour ne pas me tromper dans les dates. Voyons, cela fait combien d'années depuis que je me suis marié avec Tassadite ? Trois années. Et quatre années depuis que j'ai quitté le village pour partir à sa recherche. C'était tout juste l'âge de Aïcha. Et cela m'arrangeait. Je pourrais toujours annoncer que la petite n'avait que trois années, et le reste ne sera plus qu'un jeu d'enfant. Plus tard, les gens ne se souviendront même pas de ce détail. Aïssa s'arrête enfin. Après un moment de silence, il pousse un long soupir et lance un regard à Amar : -Tu ne dis rien ? Le jeune homme sourit : -Que veux-tu que je te dise ? -Je t'apprends que les gosses ne sont pas tout à fait les miens et tu restes de marbre ? -Je ne reste pas de marbre Ammi Aïssa. Je t'ai écouté poliment jusqu'à la fin. Ta mission est louable jusqu'au bout. Mais je pense que tu es venu non pas pour me raconter ce récit, mais bien pour autre chose. Quelqu'un t'a-t-il contrarié ? Aïssa soupire encore : -Oui. Quelqu'un est venu demander la main de Aïcha. Amar sursaute : -Quelqu'un est venu demander Aïcha en mariage ? Qui est-il ? C'est un type du village ? -Oui. Le fils d'un notable. Il n'a pas cessé de tourner autour d'elle depuis qu'elle a bouclé ses quinze années. -Hum... Et quelle est ton opinion sur lui ? Le vieil homme hausse les épaules. -Hamid est quelqu'un de bien. Il est instruit et habite en ville. Amar se renfrogne : -Alors tu vas lui accorder sa main ? -Je ne le veux pas justement. -Pourquoi ? Tu dis que c'est quelqu'un de bien. -Oui. Mais il ne connaît rien sur mon passé. Cependant, si je refuse de lui accorder la main de ma fille, son père risque de divulguer mon secret. Il m'a déjà menacé, c'est pour cela que je suis venu te retrouver. -Ton secret ? -Oui. Le secret de ma stérilité. (À suivre) Y. H.