En évoquant une réhabilitation d'ensemble, qui inclurait y compris les cadres injustement incarcérés au milieu des années 90, le patron du FLN suggère, de manière très pernicieuse, qu'il n'y a pas eu de mauvaise gestion ni de corruption, du moins pas dans les proportions qu'on lui attribue, mais, en vérité, seulement des complots fomentés pour gêner et briser des carrières administratives, mais surtout politiques. Faut-il douter de la parole du secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Amar Saâdani, lorsque, interrogé tout récemment par la chaîne qatarie Al Jazeera, il lâche avec tout le sérieux du monde que le retour, ostentatoirement triomphal, au pays de l'ex-ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, entre dans le cadre d'une amnistie présidentielle ? Surtout pas, serions-nous tentés de répondre, tant est que l'homme a prouvé, pour avoir déjà anticipé justement sur bien des décisions politiques, qu'il s'informe à la bonne source, qu'il s'agisse pour lui d'annoncer une disgrâce ou une promotion. Il faut, donc, certainement croire à une résolution de déjà réfléchie en haut lieu lorsque, s'érigeant en héraut en charge de vendre une image liftée de Chakib Khelil, il insiste sur la réhabilitation de celui que la justice a réclamé dans le cadre de l'instruction de l'affaire de corruption dite Sonatrach II et, dans le sillage de ce dernier, celle de tous les cadres incarcérés ou accusés de corruption. En évoquant une réhabilitation d'ensemble, qui inclurait y compris les cadres injustement incarcérés au milieu des années 90, le patron du FLN suggère, de manière très pernicieuse, qu'il n'y a pas eu de mauvaise gestion ni de corruption, du moins pas dans les proportions qu'on lui attribue, mais, en vérité, seulement des complots fomentés pour gêner et briser des carrières administratives, mais surtout politiques. À ce sujet, le secrétaire général du FLN n'hésite d'ailleurs pas à pointer du doigt le désormais ex-DRS, principalement son patron, le général Mohamed Mediène, dit Toufik. Ce dernier a essuyé plus d'une estocade de la part de Saâdani dont la bravade a surpris plus d'un, y compris au sein de l'ex-parti unique. Le DRS ayant fini par être dissous, après que son chef eût été mis à la retraite, il semble qu'une deuxième séquence, aussi, sinon plus importante que celle déjà bouclée, est en train de se jouer. Tout porte à croire que, une fois mis fin à l'omnipotence du DRS, qui avait pignon sur l'administration, l'économie et la vie politique du pays, il s'agit d'enchaîner avec l'entreprise consistant à tenir les Services pour coupables de complots contre le chef de l'Etat, son entourage et les cadres en qui il avait placé sa confiance. "Chakib Khelil était victime d'un complot interne et externe, contre sa personne, contre Sonatrach et contre le Président", soutenait Amar Saâdani, il y a plusieurs semaines, sur le plateau d'une chaîne de télévision privée, enchaînant sur un éloge très flatteur : "Sonatrach n'a pas connu un homme aussi compétent que Chakib Khelil, c'est le meilleur ministre que l'Algérie ait connu depuis l'Indépendance." De fil en aiguille, Amar Saâdani, visiblement chargé encore du management politico-médiatique du cas Khelil, et vraisemblablement de la phase préliminaire d'une entreprise qui s'apparente à une opération de "blanchiment" du régime sous le règne de Bouteflika, a fini par ouvertement accabler le DRS. Car, que signifie l'idée qu'il véhicule de ce que les cadres accusés, jugés et condamnés pour des faits de corruption sont des victimes d'un complot fomenté par les Services, si ce n'est que le DRS a fabriqué des dossiers dans le but de nuire au chef de l'Etat dont il voudrait, selon lui, noircir le bilan... d'un long règne ? Amar Saâdani et ses égéries tapies dans l'ombre travaillent à présenter le chef de l'Etat comme une victime d'une situation institutionnelle dont il a hérité et d'un service de renseignement qui s'est investi à "mettre les bâtons" dans les roues de sa caravane politique. Autrement dit, si l'opinion reproche à la longue magistrature de Bouteflika ses innombrables ratés, ceux-ci ne sauraient être la conséquence d'un manque de clairvoyance et de prévoyance de sa part, mais le fait d'un DRS comploteur. Il manque à peine à Saâdani de pousser la caricature jusqu'à soutenir qu'en fait, il n'y a pas eu de corruption durant le magistère de Bouteflika, contrairement à ce que la chronique médiatique et l'assertion politique ont véhiculé. L'appel répété à la réhabilitation de Khelil, en lieu et place de la justice, il faut bien le noter, anticiperait en vérité une pré-campagne pour la présidentielle d'avril 1999. Une pré-campagne qui se voudrait de moduler la course en mode succession clanique. Ce qui suppose comme préalable la levée des obstacles qui pourraient l'y entraver. Et, bien entendu, cela ne peut que commencer par évacuer le soupçon de grande corruption qui pèse sur les présidences de Bouteflika. S. A. I.