Liberté : Vous êtes là pour soutenir la cause d'El Khabar, quelle est votre analyse de la situation ? Mohcine Belabbas : Le minimum que puisse faire un parti politique est de prendre part au rassemblement des travailleurs d'El Khabar. Il y a une volonté claire de tuer la presse libre, de réduire, précisément, trois journaux au silence. Je décode l'affaire d'El Khabar ainsi : le groupe est en difficulté financière. Il met en vente des actions pour capter un capital. Il trouve un repreneur. Dans tous les pays du monde, l'Etat accompagne ce type d'opération pour sauver les emplois. Dans ce cas-là, plus de 500 travailleurs. Paradoxalement, le ministre de la Communication intervient de manière illégale en se substituant à l'Autorité de régulation de la presse écrite, qui n'existe pas encore, pour faire annuler la transaction. Justement, comment expliquez vous que les pouvoirs publics ne cherchent même plus à préserver les formes ? Cela confirme au moins qu'il y a vacance du pouvoir. Il y a quelques années, les autorités n'auraient pas fait ces erreurs. Au-delà des attaques contre la presse, les pouvoirs publics envoient des signaux négatifs en direction des investisseurs potentiels nationaux et étrangers, dans une conjoncture de crise économique aiguë. Ne pensez-vous pas que les dernières déclarations d'Ahmed Ouyahia et d'Amar Saâdani sur ce dossier vont plutôt dans le sens de l'apaisement ? Il est clair qu'il n'y a pas de consensus sur cette affaire. Hamid Grine semble isolé, sans soutien. Je pense qu'il s'est précipité de déposer plainte car il avait des comptes à régler avec la presse et certains journalistes. Il était attendu de lui qu'il accompagne la corporation pour améliorer ses conditions socioprofessionnelles. Il n'a rien fait. Il a déçu, aussi, sur ce plan-là. Si l'issue du procès est défavorable à El Khabar, quelle sera la réaction de l'opposition politique ? Le RCD restera mobilisé dans n'importe quelle action qui sera décidée de préférence par les gens de la corporation. Il s'agit, pour nous, de défendre le pluralisme, la liberté d'expression, le droit à l'information... en les accompagnant. Nous mettrons à leur disposition nos moyens et nos effectifs. Serait-ce alors le combat de David contre Goliath ? Je ne pense pas. Je suis très confiant car la plupart des journalistes sont solidaires. D'autant qu'ils ont de l'expérience dans le combat. Ils ne baisseront pas les bras. Je suis confiant aussi car l'homme d'affaires qui a repris El Khabar n'abandonnera pas ces travailleurs. Il ne se laissera pas faire. Les partis politiques et la société civile doivent s'investir davantage pour la sauvegarde d'El Khabar. Le régime joue son va-tout. C'est lui ou le chaos. Et si la justice donne raison au ministre de la Communication ? Ce sera un précédent très grave. La mobilisation sera plus forte. On assistera à un rejet massif de l'instrumentalisation de la justice.