Encore une fois, cette année, les autorités ont montré leur incapacité à instaurer une certaine régulation sur les différents espaces commerciaux autorisés ou informels. Une grande confusion caractérise le marché national des produits alimentaires depuis le premier jour du mois de Ramadhan. Preuve tangible de cette anarchie est cette mercuriale différemment appréciée par les observateurs durant les dix premiers jours. Au moment où certains parlent de baisse des prix des fruits et légumes et des denrées alimentaires, d'autres évoquent au contraire une flambée qui touche même quelques produits de première nécessité subventionnés. Hausse ou baisse des tarifs, une chose est sûre, la majorité des produits n'est pas accessible aux petites bourses. Autrement dit, l'offre suffisante dont s'enorgueillissent les pouvoirs publics pour le mois sacré n'a pas assuré la stabilité tant escomptée. En dépit des quantités considérables mises sur le marché, favorisée par leur saisonnalité, les fruits et légumes ne sont pas à la portée de toutes les familles algériennes. "Si l'on se réfère aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé qui préconise la consommation de 5 légumes et de 5 fruits quotidiennement, l'inaccessibilité de ces aliments aux consommateurs risque de provoquer un véritable problème de santé publique en Algérie...", constate non sans un brin d'ironie Mustapha Zebdi, président de l'Apoce (Association de protection et d'orientation du consommateur). Impuissante, la ménagère ne peut qu'admirer la forme de plusieurs fruits et imaginer uniquement leur goût, en ce mois de jeûne, puisque leurs prix demeurent inabordables. C'est le cas de la pastèque affichée à 150 DA/kg alors que les tarifs des cerises ou des pêches ont carrément pris leur envol. "L'Etat doit mettre de l'ordre notamment dans la chaîne de distribution", indique M. Zebdi qui plaide pour une limitation des marges bénéficiaires des commerçants. Entre l'agriculteur et le consommateur, une grande marge est imposée par les intermédiaires engendrant ainsi une forte spéculation. "On ne sait pas qui perçoit en fait toutes ces marges", relève-t-il. Par conséquent, le président de l'Apoce, suggère que le paysan fixe son prix sur un bon de vente et le reste du cheminement que suivra le produit à travers la chaîne de distribution s'effectue avec des factures. "Nous enregistrons tous les jours le mécontentement des gens qui déplorent cette augmentation intolérable des prix des denrées alimentaires. À ces concitoyens, nous conseillons tout simplement de recourir au boycott individuel de ces produits", affirme Mustapha Zebdi. Pour lui, la mise en place de marchés de proximité ne constitue pas la solution idoine. Car, précise-t-il, lorsqu'un marchand loue un local à environ 30 000 DA/mois, il doit répercuter cette charge sur le prix de vente de sa marchandise afin qu'il puisse réaliser quelques bénéfices. L'autre problème soulevé par M. Zebdi a trait à la fermeture de magasins à la veille du mois sacré pour des infractions qui, selon lui, ne portent pas atteinte à la santé des citoyens. "Cela a créé un déséquilibre sur le marché", souligne-t-il. "Il n'y a pas urgence de les fermer. Le moment d'exécuter une telle mesure ne s'y prêtait pas. Retarder une telle décision aurait été plus judicieux afin d'éviter toutes ces perturbations sur le marché", argue-t-il. Pour sa part, le président de l'Association nationale des commerçants et artisans (Anca), Hadj Tahar Boulenouar, pense qu'une fragile stabilité des prix des fruits et légumes commence à se faire sentir sur quelques wilayas. "Une baisse moyenne de 15 DA par rapport au premier jour du mois sacré est observée", indique-t-il. Il estime que la tendance baissière se poursuivra jusqu'à septembre prochain avec l'arrivée sur le marché à partir du début du mois de juillet des productions de la Mitidja, de Mascara, de Mostaganem... Interrogé sur cette excessive hausse des fruits, M. Boulenouar explique : "Il s'agit de la production d'avant saison estivale des wilayas du Sud comme Ouargla, Biskra, El-Ménéa qui ont mis sur le marché de grandes quantités de fruits. Ces marchandises ont été aussitôt liquidées." Pour pouvoir réduire un tant soit peu le phénomène de la spéculation à l'origine de la flambée des prix, le président de l'Anca demande aux responsables du commerce d'exiger des gérants des chambres froides de faire transiter impérativement leurs productions par les marchés de gros considérés comme la bourse qui assure une régulation. Badreddine K.