Tous soulignent la pertinence de la mesure en faisant valoir l'argument des finances de la CNR et du principe de l'équité dans le départ à la retraite. L'annonce faite par le Premier ministre Abdelmalek lors de la dernière tripartite, inhérente à l'âge du départ à la retraite, n'a pas manqué de provoquer une tension dans le milieu du travail. Dans sa tentative de contenir la grogne des travailleurs opposés à cette mesure les empêchant de partir en retraite avant l'âge de 60 ans, le gouvernement appelle au secours tous ses relais pour convaincre, en sollicitant des syndicalistes, des experts. Tous ont accordé leurs violons pour soutenir que le départ à la retraite sans limite d'âge constituerait un "risque pour l'avenir" de la Caisse nationale des retraites. "À l'UGTA, nous sommes de ceux qui ont toujours considéré que l'ordonnance 97-13 du 31 mai 1997 instituant le départ à la retraite sans limite d'âge a été un acquis pour les travailleurs, mais aujourd'hui, elle est devenue un risque pour l'avenir de la CNR, notamment en ce qui concerne son équilibre financier", a, en effet, nuancé, hier à l'APS, Mohamed Lakhdar Badredine, conseiller aux affaires économiques et sociales du secrétaire général de l'UGTA. Pour lui, la loi de 1997 ne peut pas être considérée comme un acquis permanent. "C'est plutôt un acquis conjoncturel pour une situation conjoncturelle", a-t-il soutenu, mettant en avant l'argument que le nombre des retraités dépasse aujourd'hui celui des travailleurs actifs comparativement aux années précédentes. Il fait référence à la conjoncture des années 90 lorsque cette mesure transitoire était prise dans le cadre du Plan d'ajustement structurel (PAS), imposé à l'Algérie par le FMI en 1994. Affirmant que la retraite demeure un "droit syndical", M. Badredine a, par ailleurs, estimé qu'"il est maladroit d'agir de manière ouvriériste", appelant à prôner "une vision d'avenir à même de préserver les équilibres financiers de la CNR ainsi que les droits des retraités". Un point de vue partagé par nombre d'experts pour pour qui la retraite pour tous à 60 ans se justifie par un souci d'équité mais aussi de préservation des équilibres financiers de la Caisse des retraites". Le président de l'Association nationale des économistes algériens, Saadane Chebaiki, estime, à ce titre, que "l'annulation de la retraite anticipée est une décision qui permet d'assurer l'équilibre financier de la Caisse nationale de la retraite et, à l'instar des autres pays, le travailleur doit donner le maximum et le meilleur de lui-même pour pouvoir jouir d'une retraite à la fin de sa carrière". À ceux qui revendiquent le maintien de la retraite anticipée, M. Chebaiki juge qu'ils "n'ont pas d'arguments ou de justificatifs à faire valoir". Cela dit, il n'a pas manqué de recommander de continuer d'appliquer "éventuellement le départ à la retraite sans limitation d'âge à une certaine catégorie de travailleurs", citant, à cet effet, ceux qui exercent des métiers pénibles comme ceux des hauts fourneaux des complexes sidérurgiques ou ceux qui sont sur le terrain au Sud du pays, dans les champs et les forages pétroliers. Le vice-président du Conseil national économique et social (Cnes), Mustapha Mekideche, estime, quant à lui, que "la révision du système des retraites n'est pas une priorité", jugeant que le contexte ne s'y prête guère pour "ouvrir d'autres fronts". De son côté, l'économiste universitaire, Kamel Rezig, a rappelé que le départ à la retraite sans condition d'âge est "une exception qui a fini par devenir une règle". M. Rezig a considéré que cette disposition aurait du être rectifiée juste après avoir dépassé cette crise, après les années 90. À son tour, Walid Merouani, chercheur et universitaire, estime que la révision de l'âge de départ à la retraite est une décision "sage, mais pas la meilleure qui soit pour assurer la pérennité du système algérien de retraite". Pour lui, cette mesure doit être accompagnée d'autres réformes complémentaires. "La suppression de la préretraite décidée lors de la dernière tripartite est une solution sage qui aura un impact significatif sur les dépenses de la CNR dans la mesure où ces dernières vont forcément ralentir. En même temps, la croissance des recettes devra s'accentuer sur le long terme vu que les travailleurs cotiseront plus longtemps", explique-t-il. Farid Abdeladim