Sans fournir d'explications, le chef de la diplomatie égyptienne a annoncé le report à une date indéterminée de la conférence sur les réformes politiques au Moyen-Orient que devait abriter son pays en mars prochain. Officiellement, Le Caire justifie l'ajournement de cette rencontre, initialement prévue pour le 3 mars prochain, par des demandes qu'auraient formulées des pays arabes devant prendre part à ce rendez-vous. Le ministre égyptien des Affaires étrangères a, sans fixer de date, laissé entrevoir la possibilité de tenir cette rencontre après le déroulement du sommet de la Ligue arabe les 22 et 23 mars à Alger. Des diplomates étrangers en poste dans la capitale égyptienne affirment que la raison de ce report est le différend né entre les Etats-Unis et l'Egypte au sujet de l'incarcération par le régime de Moubarak de l'opposant Ayman Nour. Leader du parti Al Ghad, créé récemment, ce dernier a été arrêté le 29 janvier 2005. Il a été placé en détention pour une durée de quarante-cinq jours dans le cadre de l'enquête judiciaire sur la création de sa formation politique. La justice lui reprocherait d'avoir falsifié les deux mille signatures nécessaires pour l'obtention de l'agrément pour la création de son parti. Le concerné nie ces accusations. Cet emprisonnement est dénoncé par des organisations de défense des droits de l'Homme aussi bien internationales qu'égyptiennes, qu'elles assimilent à une répression contre l'opposition politique à l'approche des élections présidentielles prévues en septembre prochain. Washington n'a pas tardé à faire part de son mécontentement au régime de Hosni Moubarak. Lors de son récent séjour dans la région, la secrétaire d'Etat américaine aux Affaires étrangères n'a pas manqué de faire part de la “très forte inquiétude” de l'Administration Bush au sujet de cette affaire à son homologue égyptien, Ahmed Abou Al Gheït. Condoleeza Rice aurait même laissé transparaître des doutes sur sa présence à la conférence en question si jamais cette question n'est pas réglée à temps. Vexée, l'Egypte a qualifié par la voix de Souleïman Awwad, le porte-parole du raïs, la position américaine d'ingérence internationale dans “ses affaires judiciaires”. Selon Le Caire, la détention d'Ayman Nour n'est qu'une affaire pénale et non politique. C'est loin d'être l'avis de la Maison-Blanche. Le report de la conférence devant poursuivre le débat engagé à Marrakech en décembre dernier sur les réformes au Moyen-Orient, à laquelle devaient participer des représentants de pas moins de vingt pays, ainsi que des membres du G8, indique que le courant ne passe plus entre les Etats-Unis et l'Egypte. Hosni Moubarak, qui ambitionne d'arracher un cinquième mandat présidentiel, voit sa politique interne visant à brider l'opposition dans la perspective d'ouvrir grand le chemin pour une réélection remise en cause par les Américains. Est-ce à dire que Washington souhaite un changement à la tête de l'Egypte ? C'est une hypothèse à ne pas exclure à voir les agissements de l'Administration Bush dans la région. Reste à savoir quelle sera l'attitude qu'adoptera le raïs égyptien, qui se prévaut de leadership arabe, s'il ne veut pas perdre la face ? K. A.