On n'a pas eu vent de consultations arabes pour l'annulation de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G8 et des pays arabes prévue pour le 3 mars au Caire. Mais, on vient d'apprendre que l'Egypte a décidé du report sine die de la rencontre. Or, ce n'était pas la rencontre qui était en cause, mais Le Caire : mardi passé, à l'occasion de la visite du ministre égyptien des Affaires étrangères à Washington, Condoleeza Rice avait fait part de “sa très grande inquiétude” sur la situation politique en Egypte. Elle songeait, dit-on, à ne pas se rendre sur les bords du Nil, pour marquer la position de son gouvernement sur l'emprisonnement du chef du parti de l'opposition El-Ghad. Voilà comment un litige américano-égyptien se transforme en problème entre le G8 et les pays arabes. L'argument officiel de Moubarak est que les pays arabes préfèrent attendre les résultats du sommet d'Alger du 23 mars pour pouvoir présenter ses résolutions aux représentants du G8. Un peu comme si ces derniers avaient pour fonction de régler la facture des réformes décidées par la ligue. L'argument n'explique pas pourquoi la réunion a été reportée dès le retour des Etats-Unis de Aboul Gheith, ni pourquoi la remise a été projetée à une date indéterminée ou qui reste “à déterminer par les canaux diplomatiques”. C'est que Bush n'a pas renoncé à son projet du “Grand Moyen-Orient”. Il y a quinze jours, le sous-secrétaire d'Etat, Scott Carpenter, l'a rappelé à Tunis : “L'Amérique tient toujours à aider aux réformes dans la région.” Et depuis que la rue égyptienne s'est mise à scander “quatre (mandats), ça suffit !” les Etats-Unis ont clairement et prioritairement opté pour pousser au changement dans ce pays. Il semble que la Ligue arabe, en renonçant à ses propres réformes organiques, envisage de se transformer en organisation de résistance aux pressions américaines. Le vague processus du GMO inquiète plus d'un. Récemment, le président Bouteflika a, d'ailleurs, rejeté le principe d'une stratégie endogène de réforme, devant l'Organisation arabe du travail, et précisé qu'aucune aide ne devrait être conditionnée par une conduite pilotée de l'extérieur. Mais, ici, l'argument de non-ingérence sert involontairement le souci de sauvegarde de régimes autoritaires et dictatoriaux. D'ailleurs, cette solidarité de principe joue, y compris contre l'ONU. L'Algérie, actuellement membre non permanent, vient de refuser de voter pour une résolution du Conseil de sécurité prévoyant des sanctions contre les auteurs de crime contre l'humanité au Darfour. On en était à vouloir réformer la ligue, on en est à se serrer les coudes pour prémunir le régime qu'on accusait de la squatter contre les immixtions “amicales” de son allié américain. C'était, pour Moubarak, plus facile d'envoyer des troupes en Irak avec Bush père que de souffrir les ingérences en politique intérieure de Bush fils. Et puisque celui-ci a décidé d'en faire “le maillon faible”, alors tous pour Moubarak ! Ah ! Si la ligue arabe s'était associée contre le GIA ! mais là, ce n'était pas l'ennemi extérieur. Et c'est donc une autre histoire. M. H.