À la veille de la tenue de la réunion de l'Instance de coordination et de suivi de l'opposition (Icso), le secrétaire général du mouvement Ennahda, Mohamed Douibi, revient, dans cet entretien qu'il nous a accordé, sur la situation sociopolitique et économique du pays, dans laquelle intervient cette rencontre, ainsi que sur l'opposition et plus particulièrement sur l'Alliance de l'Algérie verte à laquelle son parti participe et, enfin, sur les prochaines échéances électorales. Liberté : L'Icso tiendra aujourd'hui la première réunion depuis le 2e congrès de Mazafran, quel est son ordre du jour ? Mohamed Douibi : L'ordre du jour n'est pas encore déterminé mais cette rencontre va aborder les questions politiques de l'heure. Il est clair que cette rencontre qui intervient après le deuxième congrès de l'Icso, procédera à l'évaluation de cet événement, du point de vue politique, organisationnel et communicationnel mais aussi par rapport aux objectifs définis pour cette conférence. Il s'agira ensuite de la situation sociopolitique et économique du pays. Nous sommes dans une conjoncture politique marquée par plus de fermeture des champs politique et médiatique. C'est ce que confirme la situation des institutions médiatiques, notamment, El Khabar, El Watan et El Atlas. La fermeture et la menace qu'exerce le pouvoir à travers les mesures de répression à l'encontre de ces institutions sont un indicateur inquiétant qui confirme la remise en cause des acquis, et probablement le retour à la situation d'avant Octobre 1988. Sur le plan politique, la Constitution que le pouvoir a fait adopter le 7 février 2016, et qui a été précédée par des annonces sur des avancées politiques et des libertés, a été vite démentie par la réalité et notamment les lois qui ont été votées à sa suite. Des lois qui sont en contradiction avec la Constitution. La loi portant régime électoral et celle relative à l'instance indépendante de surveillance des élections confirment également cette régression en matière d'acquis. Toutes ces questions seront soumises à débat lors de cette rencontre de l'instance de coordination et de suivi, en sus de la situation économique dont les voyants sont au rouge, pour cause notamment d'inflation, de cherté de la vie et de la mise à l'arrêt d'un ensemble de projets qui auront des incidences sur le plan social et du bien-être du citoyen. Mais également la remise en cause du départ à la retraite anticipée et du système éducatif ainsi que la réforme du bac 2016 seront abordées. Comment réagissez-vous à cette situation au niveau d'Ennahda ? Le militantisme politique est un devoir pour nous. Nous sommes convaincus de la nécessité de poursuivre l'action pour atteindre les grands objectifs définis par notre parti, qui consistent à concrétiser en Algérie un système politique pluriel et démocratique. Un système démocratique fondé sur la volonté populaire et l'urne transparente. Cette action ne peut se concrétiser en un jour, mais reste un objectif essentiel pour tout militant politique qu'il soit du mouvement Ennahda ou des autres partis avec lesquelles nous sommes associés, que cela soit à la ctld ou l'Icso. Avec la concrétisation de ce système, la compétition politique aura un sens. Mais dans le cas où ces conditions de l'exercice politique ne seraient pas réunies, eu égard au citoyen, la politique ne sera plus un défi, et c'est de cette problématique que nous souffrons en Algérie. S'agissant justement de la nouvelle loi électorale, quelles répercussions peut-elle avoir sur votre participation aux futures échéances électorales ? Nos traditions politiques nous imposent de confier cette question aux instances locales pour la trancher. En toute simplicité, ses répercussions sont que le pouvoir veut définir le découpage politique par l'administration. Ce qui est contraire à la bonne pratique politique qui veut que ceux qui font le découpage électoral sont les élections propres et transparentes, à travers la participation dans la gestion des affaires publiques par le biais des partis ou de la société civile, et non l'intervention de l'Exécutif et de l'administration. Donc, cette loi empêche le citoyen d'exercer ce droit et permet à l'administration de définir la cartographie politique. Cette situation est ainsi vécue depuis la création de l'Etat algérien. L'Algérie n'a pas avancé parce qu'il y a une crise politique et un problème de légitimité des institutions, qui, de plus, sont faibles et dont les performances régressent de jour en jour. Au point d'être en présence d'une dilution de l'Etat. Le MSP semble se préparer aux prochaines élections, pensez-vous qu'une liste commune est toujours possible pour les partis de l'Alliance verte ? En vérité, l'alliance que nous avons réalisée entre partis nous a permis de réaliser des objectifs communs lors des élections de 2012, malgré la violence que le pouvoir lui a opposé, en organisant une fraude massive des élections. Reste que la liberté du débat, dans le cadre du dialogue interne, est assurée au sein de chaque parti politique. Et si les partis sont convaincus, ils peuvent rééditer cette expérience et même l'élargir au-delà des trois composantes de l'Alliance de l'Algérie verte. Parce qu'auparavant, les gens ne croyaient pas et ne pouvaient pas faire des coalitions, ce n'est qu'après la mise en place de l'Alliance que les Algériens ont été convaincus de la possibilité d'un travail commun. La preuve est qu'il y a eu après la Ctld, qui n'est pas composée que d'islamistes, mais aussi de différents courants politiques et de pensée. Ce qui dénote d'un développement de la pensée politique. Ce qui est positif pour l'Algérie. Lorsqu'il y a un débat politique entre les différentes parties de la société, cela permet d'éviter les crises, les dérives. L'alliance peut rester telle quelle, s'élargir ou alors que des parties la quittent de plein gré. Mais nous tenons à insister sur le fait que la situation politique en Algérie et les défis auxquels elle fait face ne peuvent être relevés par un seul parti ou deux, mais cela suppose la réunion de toutes les forces du pays, selon l'ordre des priorités, pour atteindre la paix sociale, le développement et la stabilité des institutions algériennes. Et lorsqu'on consolide cette phase, il y aura ensuite la compétition entre les différents partis. Et c'est là notre objectif à l'avenir.
Selon vous, pourquoi l'Instance de coordination n'a pu se réunir avant aujourd'hui ? Selon son règlement intérieur, l'Icso se réunit tous les 3 mois, parce qu'elle est une instance de consultation, non pas d'exécution, mais les partis qui la composent activent sur le terrain. Lors de nos réunions, nous définissons les priorités de la phase. Nous avons revendiqué la création d'une instance de supervision des élections indépendantes de l'administration, ce qui n'a pu se réaliser. Mais cette revendication est toujours de mise, notamment les conditions pour organiser des élections libres et transparentes. La différence est dans le plafond d'entente sur les revendications, qui concernent les conditions de transparence des élections, en ce que la partie organisatrice doit être neutre, or l'administration ne l'est pas actuellement. À toutes les élections auxquelles nous avons pris part, l'administration était au service des partis du pouvoir. Et si la partie organisatrice des élections n'est pas neutre, il est évident alors que la première condition de transparence des élections est absente. Propos recueillis par : AMAR RAFA