Désormais, le Président Béji Caïd Essebsi a les coudées franches pour désigner un nouveau Premier ministre, qui aura la charge de former un gouvernement d'union nationale pour lequel il avait affiché sa préférence il y a deux mois. Ce qui n'était qu'une formalité aux yeux de la classe politique tunisienne, à savoir le retrait de confiance au gouvernement dirigé par Habib Essid, a été officialisé samedi soir par un vote quasi unanime des députés présents avec 118 pour et 3 seulement contre et 27 abstentions. De fait, le gouvernement Essid est considéré comme démissionnaire et il appartient au Chef de l'Etat tunisien d'engager des consultations dans un délai de 10 jours pour charger la "personnalité la plus apte" de former un nouveau cabinet. Bien qu'aucun nom ne se détache pour l'instant quant au futur Chef du gouvernement, les spéculations vont bon train dans les milieux politiques tunisiens. Pour en revenir au déroulement du vote à l'Assemblée tunisienne, plusieurs partis politiques, dont les quatre au pouvoir (Nidaa Tounès, Ennahda, Afek Tounès et l'UPL), avaient en effet annoncé bien à l'avance leur intention de ne pas renouveler leur confiance au cabinet de Habib Essid. Cela a conduit de nombreux députés, dont ceux du Front populaire, une coalition d'opposition de gauche, à annoncer, juste avant le vote, qu'ils n'y participeraient pas, car estimant qu'il s'agit d'un processus "de pure forme". D'ailleurs, le Chef du gouvernement sortant ne se faisait pas d'illusion et a affirmé être "tout à fait conscient que le vote sera(it) contre lui", expliquant avoir demandé la tenue de la séance pour "exposer les choses au peuple et aux députés". Habib Essid, qui n'avait pas été informé de l'initiative par Béji Caïd Essebsi, avait d'abord indiqué qu'il était prêt à démissionner si l'intérêt de la Tunisie l'exigeait, avant de se raviser pour ensuite annoncer qu'il ne partirait que si le Parlement lui retirait sa confiance. C'est désormais chose faite, même si plusieurs députés ont salué son "intégrité", tout en critiquant son bilan. Habib Essid n'a pas manqué de se défendre face aux députés en tançant les partis politiques, qu'il a accusé de "faire mine d'oublier" les progrès réalisés, selon lui, contre le terrorisme et la cherté de la vie, ainsi que l'élaboration d'un plan quinquennal. Il a critiqué l'initiative du Président, qui a provoqué, selon lui, l'incertitude et paralysé le travail du gouvernement. Ses proches ont attribué, sous le couvert de l'anonymat, ces pressions au camp du fils du chef de l'Etat, Hafedh Caïd Essebsi, un dirigeant de Nidaa Tounès. Formé il y a un an et demi et remanié en janvier, le gouvernement de Habib Essid est accusé d'inefficacité à un moment où la Tunisie traverse une période sensible. Certains milieux politiques estiment que si la Tunisie a réussi sa transition politique après la révolution de 2011, son économie est en crise, et le pays a été visé par plusieurs attaques terroristes. Reste à savoir si le gouvernement d'union nationale voulu par le Président tunisien est la solution idoine pour sortir le pays de la crise économique. Merzak Tigrine