Epinglée régulièrement sur la question des droits de l'Homme - en témoignent les divers rapports et classements élaborés par les ONG internationales -, l'Algérie tente une contre-offensive à travers la mise en place d'un Conseil national des droits de l'Homme (CNDH). Institué à la faveur de la dernière révision constitutionnelle, cet organisme devrait remplacer, dès sa mise en place, la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNCPPDH) présidée par Me Farouk Ksentini et dont l'absence d'indépendance (créée par décret présidentiel) et la complaisance vis-à-vis des violations des droits de l'Homme ont valu à l'Algérie d'être reléguée à la catégorie B, au lieu de A, par l'instance onusienne après avoir été menacée d'exclusion. Même si, officiellement, l'institution du CNDH "traduit la volonté politique de l'Algérie de promouvoir davantage les droits de l'Homme et de consacrer les principes fondamentaux énoncés dans la Constitution", selon le ministre de la Justice, Tayeb Louh, qui intervenait, hier, devant les députés, à l'occasion de la présentation du projet de loi fixant la composition de ce Conseil, les modalités de désignation de ses membres et les règles relatives à son organisation et à son fonctionnement, il n'en demeure pas moins qu'il vise, selon toute vraisemblance, à gagner la confiance des institutions et des ONG internationales. D'autant qu'il intervient dans la foulée d'une série de textes, comme la loi criminalisant les violences faites aux femmes, adoptées et saluées par de nombreuses institutions internationales. "Les droits de l'Homme sont devenus une norme d'évaluation du développement des pays dont la crédibilité se mesure à l'aune du respect de ces droits et de leus efforts pour leur promotion", a relevé dans son rapport préliminaire la commission des affaires juridiques, administratives et des libertés. Reste qu'au sein du Parlement, on ne semble pas se soucier visiblement de l'état des droits de l'Homme dans le pays puisque les deux tiers de l'hémicycle étaient vides. "Il y a un recul des droits (...) il y a un harcèlement et une répression contre les animateurs politiques. Il y a aussi des pressions sur certains médias, comme l'annulation de la reprise d'El Khabar par Ness-Prod. La liberté de la presse se porte mal, en témoigne le classement (129e) élaboré par RSF", a dénoncé, toutefois, Meriem Derradji, députée du Front pour la justice et le développement (FJD). "Satisfaire les organisations et institutions internationales est difficile. La confiance s'acquiert par un travail quotidien sur le terrain pour le respect des droits de l'Homme et la consécration d'une justice indépendante, elle ne s'acquiert pas par de simples nominations", estime, pour sa part, Fatima Zohra Bouchkhou de l'Alliance de l'Algérie verte (AAV), non sans critiquer les "lois organiques qui restreignent les libertés et les textes qui fragilisent davantage les couches sociales défavorisées". "Cette loi vient lever les réserves exprimées par les institutions internationales. Mais est-ce que cette instance va permettre réellement le respect des droits de l'Homme ?" s'interroge son colistier, Naâman Laouar. "Peut-on parler des droits de l'Homme quand on interdit les marches à Alger, quand le problème des disparus n'est pas réglé et qu'on ferme des chaînes de télé comme El Watan ?" se demande-t-il. S'il considère que les "droits de l'Homme constituent une carte de pression par les pays impérialistes contre certains Etats", Ramdane Taâzibt du PT estime, de son côté, que "la consécration des droits est le meilleur moyen d'éviter la pression". "On attend du gouvernement à ce qu'il aille vers de vraies réformes, une vraie démocratie et la consécration des droits", dit-il. "Mais la réalité est tout autre ; il y a une différence entre les textes et l'application", déplore-t-il. "Pour nous, la question des droits de l'Homme est une affaire interne. Mais on ne peut pas parler de ces droits sans justice libre. Vous pensez que le CNDH va régler les questions de violations du droit de grève, de marche, de justice sociale ?" s'interroge sa collègue Nadia Chouitem. Peine de mort : la polémique Et comme attendu, ce sont essentiellement les députés du FLN et du RND qui ont applaudi le projet de loi. "C'est un acquis", a estimé Houzia Roussam (FLN). "Il y a beaucoup d'avancées", affirme Fatma Mahious (FLN), qui évoque le dernier rapport, à ses yeux favorable à l'Algérie, d'AI. Tout en se félicitant de l'avancée des droits en Algérie, nombre de députés du RND ont appelé, toutefois, au rétablissement de la peine de mort. "L'Algérie doit revoir certaines conventions", préconise Mohamed Tahar Kadour. "Celui qui a tué un enfant doit être tué", a recommandé Belkacem Chaâbane (RND) en égrenant la liste d'enfants victimes ces dernières années. "On est contre la peine de mort, le débat doit se tenir dans la sérénité", observe Ramdane Taâzibt du PT. À noter que le FFS a boycotté la séance plénière. Outre l'émission de recommandations et de proposition sur les droits de l'Homme à l'intention des autorités, le CNDH est appelé, entre autres, à les promouvoir, à enquêter sur les violations et à visiter les lieux de détention. Il établit également un rapport annuel. Karim Kebir