Auto-gratification Le gouvernement a versé dans l'auto-gratification : "Succès de la diplomatie économique" ; "L'Opep a repris la le rôle de régulation du marché."... En fait, il est allé vite en besogne. S'il faut reconnaître que l'accord d'Alger, qui consiste à baisser la production, est un pas très positif en direction d'une remontée des prix du pétrole, il est loin d'un arrangement définitif puisque la décision de limitation de la production est reportée à novembre, à la réunion ordinaire de l'Opep. D'ailleurs, les marchés ont réagi à l'absence de détails contenus dans l'accord d'Alger : vendredi, ils n'ont pas dépassé le seuil des 50 dollars le baril. Il faut également reconnaître le rôle positif joué par l'Algérie dans le rapprochement des points de vue et saluer la détermination des hauts fonctionnaires algériens à arracher un accord en dépit du pessimisme de nombreux experts, amplifié par la presse ainsi que l'effort de responsables algériens anonymes pour convaincre l'Iran de se joindre à l'arrangement. Mais l'Algérie aurait pu faire l'économie d'une surpolitisation de l'évènement : présenter l'accord comme une victoire du pouvoir. En fait, l'euphorie d'un succès arraché au forceps a évaporé la réalité, car la baisse de la production ne doit intervenir qu'après la réunion de l'Opep de novembre. Ce qui veut dire qu'elle n'aura des effets sensibles qu'à partir de 2017. D'ici là, il ne faut pas s'attendre à une remontée des prix qui puisse freiner la dégradation de la situation financière de l'Algérie. En évoquant la reprise de la maîtrise du marché, on a occulté, du reste, le rôle de swing producer, en un mot, de régulateur du marché que joue le pétrole de schiste américain. En cas de hausse des prix du pétrole, la production américaine risque de monter à 10 millions de barils/jour contre 8 millions de barils/jour actuellement. Par ailleurs, l'accord d'Alger ouvre la porte à une autre incertitude : l'alignement des pays non-Opep à la décision de limitation de la production de l'Opep. La réponse à la question est suspendue aux résultats des efforts du comité technique prévu par l'arrangement pour convaincre les producteurs non-Opep. Morale de l'accord : si l'Opep réussit en poursuivant son forcing à appliquer une réduction de production à l'issue de la réunion de l'organisation à Vienne et à impliquer les pays non-Opep, il est alors certain que les prix du pétrole suivront une courbe ascendante. Mais d'ici ce résultat, il reste un long chemin à faire. Par : K. Remouche [email protected] L'Algérie officielle a vite crié victoire, à l'issue de l'accord de l'Opep sur une limitation de la production de 750 000 barils/jour en vue d'une augmentation des prix du pétrole. Elle a confondu course de vitesse et course de demi-fond ou de fond. En effet, gagner des tours préliminaires ou une demi-finale de 1 500 m ne veut pas dire remporter le sacre final. Avec l'accord d'Alger, on est dans une même situation. L'accord d'Alger a juste posé les grandes lignes d'un accord. Les gros producteurs comme la Russie, l'Arabie saoudite continueront à pomper du pétrole à des rythmes élevés. Les marchés ont également intégré le jeu trouble de ces acteurs. L'Arabie saoudite a fait croire à Alger qu'elle allait supporter le gros sacrifice, rapporte un spécialiste pétrolier. En fait, ce pays a fait passer sa production de 9 à 11 millions de barils entre 2014 et 2016, et a rogné sur les parts de l'Iran, sous embargo. Il faut savoir que la production théorique de l'Opep est de 30 millions de barils/jour. Selon un accord antérieur de l'Opep, les pays de l'organisation ne doivent pas dépasser ce plafond. Or, aujourd'hui, le plafond réel de production de l'Opep est de près de 34 millions de barils/jour, en raison en grande partie de la surproduction de l'Arabie saoudite. En fixant le plafond à 32,5 millions-33 millions de barils/jour, l'accord d'Alger fait croire avec la complicité de l'Arabie saoudite qu'il s'agit d'une décision de limitation de production. En fait, on est à 2-2,5 millions de plus de ce que doit produire l'Opep, si elle s'en tient à l'accord antérieur. De même, la Russie souffle le chaud et le froid. D'une part, elle juge que les prix actuels du pétrole ne sont pas justes, d'autre part elle défend la préservation de sa part de marché en se déclarant attachée à son niveau de production antérieur et en décidant de ne pas baisser sa production pour le moment. Les marchés pétroliers ne sont pas dupes : ils étaient hier scotchés à des prix inférieurs à 50 dollars le baril. K. Remouche Lire le dossier