Ce qui va rester de l'agression militaire saoudienne au Yémen, c'est l'image de ces dizaines de corps de civils calcinés et déchiquetés. La communauté internationale, en premier les pays dits arabes, aura aussi à assumer sa responsabilité devant l'histoire. Les civils yéménites ont encore payé de leur vie, au nom d'une guerre qui n'est pas la leur et d'enjeux géopolitiques qui dépassent de loin cette présumée guerre confessionnelle opposant les chiites aux sunnites dans la péninsule arabique. Samedi, la coalition arabe, sous la direction saoudienne, a commis un carnage à Sanaâ, en tuant au moins 140 personnes et en en blessant plus de 500 autres, dans un nouveau raid aérien. Les victimes étaient rassemblées dans une salle pour "présenter leurs condoléances au ministre de l'Intérieur yéménite suite au décès de son père", lit-on sur le site de l'agence de presse Saba, sous contrôle des Houthis (chiites), alliés aux sunnites proches de l'ancien président Abdallah Saleh. Parmi les blessés, il y a des dizaines de cas graves, selon des sources hospitalières. Ce nouveau crime de guerre saoudien, que Riyad nie de toute évidence, remet sur la table le rôle de la communauté internationale et la responsabilité des puissances occidentales, à leur tête les Etats-Unis qui appuient l'agression saoudienne au Yémen, l'enjeu étant non pas de ramener l'ordre institutionnel dans ce pays, mais de s'assurer un contrôle permanent du détroit d'El-Mendeb, d'où transitent 3,8 millions de barils de pétrole par jour. Cela place ce détroit à la quatrième place sur la liste des routes commerciales maritimes. Si du côté africain, la France, les Etats-Unis, la Chine et le Japon disposent de bases militaires à Djibouti, du côté de la péninsule arabique, l'Arabie saoudite s'est chargée, à l'aide de ses alliés du Golfe, de sécuriser le Yémen, plus particulièrement le golfe d'Aden, un des sites stratégiques de ce pays. Cela explique d'ailleurs l'envoi de navires de guerre émiratis, dont l'un a été détruit par un tir de missile attribué aux Houthis. Le déploiement de ces navires de guerre constitue la deuxième phase de l'agression saoudienne, sous la bannière d'une coalition arabe qui a reçu l'onction de la Ligue arabe. Donc, à cause de ces présumés intérêts économique et stratégique, plus de 6 700 civils yéménites ont été tués dans les raids de cette coalition en l'espace de deux ans seulement d'agression saoudienne. Officiellement, selon les chiffres du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, de mars 2015 au 30 septembre 2016, pas moins de 4 014 civils ont été tués et près de 7 000 autres ont été blessés. Les crimes de guerre saoudiens et de leurs alliés se sont multipliés depuis le début août, au lendemain de l'échec des pourparlers de paix interyéménites. La coalition arabe a fait six fois plus de victimes civiles que les forces dites rebelles, a ajouté l'ONU. Hier, une manifestation a été organisée à Sanaâ pour dénoncer les crimes saoudiens, alors que, de son côté, l'ancien président Abdallah Saleh, ancien allié et protégé de Riyad, a appelé les Yéménites à se mobiliser à la frontière avec l'Arabie saoudite pour "venger" les victimes du raid de samedi. "J'appelle les forces armées et les comités populaires (milices rebelles) à se rendre sur le front de guerre à la frontière pour venger nos victimes", a-t-il déclaré. Quant aux Etats-Unis, ils veulent jouer, une fois de plus, le beau rôle, en annonçant, à qui veut les croire, leur intention de revoir leur coopération avec l'Arabie saoudite au Yémen. Lyès Menacer