Le départ de Yahya Jammeh du pouvoir constitue une véritable surprise, tant il dégageait une grande assurance quant à sa réélection à travers ses déclarations préélectorales. En effet, contre toute attente, le président gambien, qui dirigeait le pays d'une main de fer depuis son accession au pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat en 1994, reconnaît sa défaite et donne un exemple de démocratie en Afrique. Mêm si on ne connaît pas les véritables raisons de ce départ, qui serait dû, selon certaines sources, à des pressions occidentales sur Yahya Jammeh, la Gambie sort enfin d'un long règne dictatorial. Et pourtant, il se disait assuré d'une nouvelle victoire à la présidentielle de jeudi dernier, au point où il avait décrété l'interdiction de toutes manifestations préélectorales. D'où la surprise générale lorsqu'il a reconnu sa défaite dans une déclaration télévisée vendredi soir. Ainsi, Adama Barrow, vainqueur déclaré de l'élection présidentielle gambienne, a salué vendredi l'avènement d'"une nouvelle Gambie", après 22 ans de pouvoir de Yahya Jammeh, qui a reconnu sa défaite et félicité son adversaire, lui souhaitant bon chance. Mieux, le président sortant a déclaré : "Vous, Gambiens, avez décidé que je devais être en retrait, vous avez voté pour quelqu'un pour diriger le pays, (...) je vous souhaite le meilleur." Devant la caméra, celui qui avait affirmé qu'il gouvernerait "un milliard d'années si Dieu le veut" a ensuite téléphoné au candidat élu pour le féliciter, en ces termes : "Vous êtes le président élu de Gambie et je vous souhaite le meilleur", en assurant que cette élection avait été "la plus transparente du monde entier". Même s'il n'a peut-être aucun mérite dans ce changement, l'ex-maître de Banjul permet une transition démocratique, ô combien rare sur le continent africain. Les exemples de ce genre sont, il faut le dire, vraiment rares, tant les successions se font généralement par la force ou la fraude. Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler l'exemple du premier président du Sénégal indépendant, Léopold Sédar Senghor, qui a démissionné avant la fin de son cinquième mandat en 1980, pour laisser la place à Abdou Diouf. L'autre exemple n'est autre que l'illustre Nelson Mandela en Afrique du Sud. Mais l'Afrique est surtout connue pour les longs règnes des chefs d'Etat, dont bon nombre ont pris le pouvoir par la force. Tous les moyens sont bons pour pérenniser le règne. Le recours à la fraude électorale et à la modification des Constitutions sont monnaie courante pour se maintenir au pouvoir. Ce qui s'est passé récemment au Gabon, qui a vu Ali Ondimba Bongo s'assurer un second mandat, est édifiant. Jusqu'à aujourd'hui, Denis Sassou Nguesso au Congo, Joseph Kabila en RD Congo ou Robert Mugabe au Zimbabwe se maintiennent au pouvoir depuis des décennies en usant de tous les stratagèmes. Idem pour le Burundi, où Pierre Nkurunziza a modifié la Constitution pour obtenir un troisième mandat, jusque-là limité à deux seulement. Ni la pression internationale ni les événements sanglants qu'a connus le pays n'ont changé la donne. Il y a lieu d'espérer que ce qui s'est passé en Gambie servira d'exemple aux nombreux autres dictateurs encore en poste dans plusieurs pays africains, pour une véritable démocratisation du continent. Merzak Tigrine