À moins d'une déclaration malheureuse sur le très controversé dossier du Sahara occidental, les relations entre le Maroc et l'Algérie semblent se normaliser. Il y a, sans doute, un petit quelque chose qui s'ébauche, qui se construit entre Alger et Rabat. Entre Bouteflika et Mohammed VI. Faute d'avoir permis l'utopique réconciliation interarabe, le 17e sommet de la ligue arabe, ayant pris fin jeudi dernier à Alger, a eu ce mérite d'avoir, tout au moins, rapproché l'Algérie du Maroc. Et ce n'est certainement pas rien au regard des pesanteurs politiques qui ont fait que les dirigeants des deux pays se regardent en chiens de faïence. Premier geste fort à mettre à l'actif de ce dégel : la présence du roi Mohammed VI. En l'occurrence, il n'était pas du tout évident de voir le souverain alaouite répondre favorablement à l'invitation du président de la république dans un contexte marqué par un échange pas très amène de déclarations aussi acerbes les unes que les autres. L'os que constitue le dossier du Sahara occidental continue d'alimenter, en effet, les rancunes et les rancœurs de part et d'autre. Mais le fait est là, le roi du Maroc a tenu à être là, à Alger à l'occasion du sommet de la ligue arabe. Un geste fort qui a été apprécié à sa juste valeur par Bouteflika, lequel a convié son hôte à des rencontres bilatérales informelles avant de couronner les chaudes retrouvailles par un sommet inespéré, jeudi dernier, à la résidence de sa Majesté à Zéralda. Le pas est donc franchi pour des lendemains peut-être enchanteurs pour les deux pays. Même s'il ne faut pas pavoiser sur ces petits détails faits de bises et de petits fours, l'histoire retiendra, tout de même, que le printemps 2005 aura été marqué par la première visite du successeur de feu le roi Hassan II à Alger. Ce n'est du reste pas fortuit que les médias des deux voisins et même occidentaux ont fait leurs choux gras sur le tête-à-tête Bouteflika-Mohammed VI qu'ils ont présenté comme le début de la fin de la brouille. Certains sont allés jusqu'à considérer ce rapprochement entre l'Algérie et le Maroc comme le seul point positif du 17e Sommet de la ligue. Si, officiellement, rien n'a filtré sur la teneur des deux heures de discussion entre les deux dirigeants, Bouteflika et Mohammed VI n'ont sûrement pas parlé uniquement des arabes qui ne veulent toujours pas s'entendre. Et pour cause, parallèlement à ce tête-à-tête à très haut niveau, un mini- sommet se tenait entre Belkhadem et Benaïssa, les ministres des affaires étrangères des deux pays. C'est que rien n'est laissé au hasard. Ou plutôt, tout était réglé comme du papier à musique. Abdelaziz Belkhadem s'est même trahi lors de la conférence de presse d'après le sommet en lâchant que c'est le “dégel”. Son homologue Benaïssa, un tantinet ironique, craint le “mauvais œil” pour ce subit “coup de foudre”. C'est dire que, des deux côtés, on n'est conscient qu'on doit se regarder en face, discuter sereinement, et pourquoi pas, lever les contentieux. Tous les contentieux. Belkhadem a poussé son optimisme jusqu'à évoquer l'éventuelle tenue d'un sommet de l'UMA l'été prochain. La réunion de cette structure vaut d'autant plus que le Maroc boude ce cadre inter-maghrébin depuis 1994, sous prétexte que l'Algérie soutenait le mouvement polisario. Il se susurre, également, que la grande commission mixte algéro-marocaine se réunira prochainement pour impulser une nouvelle dynamique de coopération. Autant de faits, de gestes et d'intentions qui dénotent d'une volonté sans doute partagée d'enterrer définitivement la hache de guerre pour regarder ensemble dans la même direction. Il reste à vérifier si cet effort de communication sera fructifié dans un proche avenir. À moins qu'une déclaration malheureuse sur le très controversé dossier du Sahara occidental ne vienne balayer ce mince espoir comme un grain de sable… H. M.