Avec la chute du régime d'Askar Akaïev au Kirghizstan, Moscou perd ainsi, coup sur coup, trois alliés et se voit sérieusement menacé par le vent démocratique qui souffle à ses portes. La Géorgie avait ouvert le bal, suivie de l'Ukraine et maintenant c'est autour de l'Asie centrale où l'exemple kirghize menace de faire tâche d'huile. La situation est telle qu'à Moscou, l'on parle, d'ores et déjà, de retombées. Les regards pointent vers 2008, fin du mandat de Poutine suspecté de préparer un dauphin. Les libéraux rêvent d'une révolution douce à l'image des changements opérés en Géorgie, en Ukraine et au Kirghizstan. Les ultra-nationalistes, qui comptent en leur sein des communistes, espèrent un déclic nationaliste et les oligarques estiment le temps propice à leur retour. Poutine, au pouvoir depuis 2000, a entamé son second mandat avec un large mouvement de contestation. En outre, contrairement à ses calculs, les USA et l'UE le somment de se mettre à la démocratie, l'interpellant au premier chef sur la question tchétchène. Le puissant maire de Moscou, Iouri Loujkov, sérieux baromètre de la politique russe, pense qu'une révolution en Russie était désormais possible, décrochant ses flèches sur Poutine dont “le programme a mis la société dans un état permanent d'anxiété”. Les milieux économiques lui reprochent des réformes qui n'avancent pas, alors que redressements fiscaux et menaces judiciaires pleuvent sur des oligarques suspectés d'indocilités. L'image d'un maître du Kremlin fort et déterminé s'est lézardée et les mouvements nationalistes radicaux, qui avaient applaudi à la venue de Poutine, agitent leurs épouvantails maintenant que le Kremlin est en perte de vitesse chez ses anciens satellites. Selon le politologue Vladimir Prybylovski, les manifestations contre les réformes sociales ont montré une situation nouvelle et il ne manque en Russie qu'un leader consensuel pour se mesurer à Poutine. Le politologue conjecture l'émergence de deux grandes sensibilités : les nationalistes avec une gauche de plus en plus active, mais qui ne s'est pas encore dotée d'un dirigeant charismatique et les libéraux. Ces derniers, qui n'ont jamais réussi à unir leurs forces pour s'imposer sur la scène politique, promettent de les unir autour du parti libéral démocratique (Iabloko), et le Comite 2008, dirigé par Kasparov, qui vient de quitter le monde des échecs pour la politique. D. B.