Avec le retrait militaire syrien, d'ici la fin du mois, la situation politique s'accélère au Liban. Les exilés de l'opposition anti-syrienne reviennent dans le pays, à l'image du général Aoun, très populaire au sein de la communauté chrétienne. La commission onusienne chargée d'enquêter sur l'assassinat de Hariri est considérée comme un encouragement par l'opposition plurielle, mais fédérée autour des slogans de “Liberté, souveraineté et indépendance”. Tout cela ouvre la voie à la démocratie, selon l'opposition, qui promet d'en faire un exemple dans le monde arabe, tout comme le Liban avait constitué, auparavant, un modèle de cohabitation religieuse et communautaire. Pragmatiques et réalistes, les anti-Syriens se montrent, néanmoins, très soucieux de refonder les relations privilégiées avec leur voisin, qu'ils ne veulent surtout pas voir déstabilisées. Damas, pour le druze Joumblatt, le chef de file de l'opposition, n'est pas qu'un voisin historique : c'est la profondeur géostratégique du Liban. Il a même prévenu contre toute velléité occidentale de faire de la mission onusienne une tutelle devant transformer le Liban en pays neutre, coupé de son environnement. Surtout que le conflit israélo-arabe n'est pas terminé. Joumblatt, qui parle au nom des druzes, des maronites, des sunnites, des laïcs et même de chiites, qui ne se reconnaissent pas entièrement dans le Hezbollah, est clair : la sécurité du Liban est liée à celle de la Syrie et vice versa. Damas parti, le Liban doit s'atteler à la tenue des élections législatives, avant la fin mai, comme le souhaite l'opposition. Mais auparavant, il faudra donner corps à l'opposition plurielle regroupée derrière le slogan de la libanité, tout de suite après l'assassinant de Hariri. Ce qui n'est pas facile face à ses composantes hétéroclites. De toutes les façons, les manifestions pacifiques ont non seulement contraint Damas à plier bagage, après 29 ans de présence, mais ont également mis les leaders de l'opposition face à leurs responsabilités. La marche de la démocratie libanaise a emprunté le même chemin que les révolutions pacifiques, qui ont vu le jour en Géorgie, en Ukraine et au Kirghizstan, y compris dans la symbolique des sit-in pavoisés de couleurs. Là aussi, se sont majoritairement des jeunes qui ont battu le pavé, incitant la vielle garde à taire ses différences, même le Hezbollah à qui est reconnu le caractère de force patriotique. Là aussi, les Etats-Unis et l'UE n'ont pas cessé de faire pression sur Damas. Reste le casse-tête du président libanais. Bien qu'installé par les Syriens, peut-il encore tergiverser ? L'armée et les forces de police peuvent en décider autrement. Pour l'heure, Lahoud refuse de se plier aux exigences de l'opposition, mais avec une marge de manœuvre qui se rétrécit, Damas ayant accepté toutes les exigences de l'Onu. D. B.