La division "firmes et économie industrielle" du Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread) a organisé mardi dernier un séminaire ayant pour thème "changement organisationnel : quels outils et quelles modalités ?". Des chercheurs, des chefs d'entreprise et des responsables d'institutions ont évoqué, lors de cette rencontre, la problématique de la conduite du changement qui interpelle les organisations en vue de la reconfiguration de leurs stratégies organisationnelles. "Nous assistons à une véritable folie" s'est alarmé le président du conseil d'administration de NCA Rouiba, Slim Othmani, évoquant "des turbulences terribles" et de "l'imprévisibilité totale de l'environnement algérien". Slim Othmani soutient que la question de l'information dans notre pays "est encore taboue". Le patron de NCA Rouiba regrette la non-reconnaissance du rôle de l'entreprise, suggérant la nécessité de changement de gouvernance. M. Othmani estime que les dernières mesures de réformes en Algérie impactent "dangereusement les boucles infinies" des circuits économiques. Il avertit sur les risques de troubles sociaux. "Comment voulez-vous qu'un chef d'entreprise puisse adopter des méthodes de management moderne quand il fait face à des turbulences et des pressions extraordinaires de la part des pouvoirs publics ?", s'interroge M. Othmani. Pour le professeur Mohamed-Chérif Belmihoub, s'appuyant sur l'enquête menée par le professeur Taïeb Hafsi sur une dizaine d'entreprises privées algériennes, la capacité de traitement des variables de l'environnement au niveau des entreprises est faible. M. Belmihoub a relevé le manque de flexibilité des entreprises algériennes pour s'adapter à un environnement changeant, en évoquant le contrechoc pétrolier de 2014 et leur réaction face à la chute de la commande publique. "Beaucoup d'entreprises dans le BTPH étaient, en difficulté. Certaines petites entreprises ont fermé." Le professeur Belmihoub critique "la gouvernance d'attribution" des licences d'importation. "La manière de gérer les licences d'importation met des entreprises dans des situations très difficiles", souligne-t-il. M. Belmihoub a parlé, également, de l'absence d'une politique fiscale "visible et lisible" et de la politique de subventions qui impactent l'entreprise. "Dans une économie de marché, on ne subventionne pas les entreprises, on subventionne les secteurs", a-t-il affirmé qualifiant la subvention des entreprises publiques "d'anomalie". Globalement, le professeur Belmihoub a estimé "qu'aussi bien sur le plan macro que micro, la capacité d'anticipation est très faible". Il a évoqué "des institutions de régulation et de planification creuses". Résultat : statu quo et dualité des rationalités. "On ne sait pas si on est dans un système planifié ou un système de marché", a-t-il constaté. Finalement soutient-il, le problème de gestion est un problème de régulation et de gouvernance. Le professeur Youcef Benabdallah a pointé l'incohérence du bilan économique et social des 15 dernières années de l'Algérie. Il a parlé de "transformations à rebours", relevant que "dans la région méditerranéenne, l'Algérie est le pays qui a investi le plus mais qui a crû le moins". M. Benabdallah estime que le pays a sacrifié les biens dynamiques (apprentissage, innovation) au profit des biens statiques provenant de l'amélioration des termes de l'échange. Le professeur Benabdallah relève que la progression "rapide" de l'Algérie dans l'indice de développement humain "n'est pas le fruit de la croissance mais des transferts sociaux". Lors de la rencontre, des expériences de changement au sein de certaines entreprises, NCA Rouiba, Caisse nationale de retraite, le Groupe industriel des ciments d'Algérie ont été présentées. Meziane Rabhi