La division firmes et économie industrielle du Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread) a organisé, récemment, une conférence-débat sous le thème "Quelles perspectives de croissance économique en Algérie : rôle des acteurs ?", animée par l'ancien ministre des Finances, le Pr Abdellatif Benachenhou, Slim Othmani, président du think tank Care et P-DG de NCA Rouiba, Abdelkrim Boudra, porte-parole du collectif Nabni et Kamel Osmane, directeur de Medafco-Conseils. Intervenant à l'occasion, Mohamed-Cherif Belmihoub, professeur en économie institutionnelle et en management, a constaté, pour sa part, que Sonatrach et l'Etat par leurs comportements ont produit des effets d'éviction sur le système productif algérien. Le dernier emprunt obligataire en est l'illustration. "On a pompé l'argent qui restait sur le marché", a-t-il indiqué, insistant sur la nécessité de se concentrer sur l'Etat et sur la Sonatrach en matière de réforme. C'est un peu la philosophie du plan "Abda" de Nabni qui propose dix chantiers prioritaires visant à générer un choc positif pour déclencher l'assainissement des finances publiques, la diversification économique, la croissance et la création d'emplois, le maintien de l'idéal de justice sociale et l'amélioration de la gouvernance et du bien-être du citoyen. Pour Abdelkrim Boudra, il faut penser les réformes en tenant compte des capacités limitées de l'administration et de la mauvaise gouvernance. Pour sa part, Abdellatif Benachenhou a soutenu que seule une transformation en profondeur de la mobilisation, de l'affectation et de l'usage des ressources internes et externes pourra ouvrir la voie à un avenir prometteur. La dépense publique, a-t-il soutenu, a affaibli la contrainte budgétaire qui pèse sur les acteurs économiques que sont l'Etat, les entreprises et les ménages. Le professeur Abdellatif Benachenhou est catégorique, il faut inverser radicalement mais progressivement la logique actuelle de la mobilisation, de l'allocation et de l'usage des ressources. Une réforme qui suppose, évidemment, un accompagnement politique fort, intelligent et pédagogique et un dialogue social rénové. En d'autres termes, un nouveau contrat social. Slim Othmani, président de Care et P-DG de l'entreprise de production de jus, NCA Rouiba, quand il a suggéré l'idée d'un nouveau contrat social, il y a six ans dans un entretien, a été "assez sévèrement" rappelé à l'ordre. Le patron de NCA Rouiba, précisant que son analyse n'engage que lui et pas le club Care, estime qu'à travers l'ouverture des marchés et de l'économie, le pouvoir cherche à contrôler la population. "Cette équation n'est pas encore résolue. C'est pour cela que nous observons des tergiversations à droite et à gauche, une prise de contrôle du patronat algérien par le pouvoir", a expliqué M. Othmani. Pour lui, un contrat social suppose une plus grande participation des acteurs, plus de concertation. "On n'y est pas encore", a regretté le patron de NCA Rouiba, citant l'exemple de l'avant-projet de loi de finances obtenu en cachette. "On dirait qu'on a sorti un document de la NSA ou de la CIA", a-t-il ironisé. "Pourquoi le projet de loi de finances n'est-il pas soumis à l'appréciation des associations patronales, des chefs d'entreprise et des chercheurs ?", s'interroge M. Othmani. "Il y a deux ou trois personnes, pseudo-experts, qui sont en train d'influer sur les choix économiques du pays en nous menant droit dans le mur", dénonce le patron de NCA Rouiba. Sur un autre plan, M. Othmani pense qu'il n'y a pas de capital privé algérien qui permettrait, aujourd'hui, de faire le bond qualitatif, en termes de croissance, à l'Algérie. Selon lui, il faut environ 70 milliards de dollars d'investissements chaque année pour atteindre des taux de croissance qui ont du sens. "Où allez-vous trouver cet argent ?", a-t-il lancé. M. Benachenhou a indiqué que les dépôts bancaires sont estimés à 100 milliards de dollars, dont l'Etat, pour ses besoins de financement, va, peut-être, prendre une bonne partie. "On s'est tiré une balle dans le pied avec la règle 51/49. Elle ne tient pas la route", a estimé Slim Othmani. "Si vous voyez la liste des projets bloqués au niveau du Conseil national des investissements (CNI), vous serez surpris. Pourquoi ne se réunit-il pas ? Quand il se réunit, il choisit des projets", a-t-il relevé. pour le patron de NCA Rouiba, il y a beaucoup d'opportunités en Algérie, cependant, le cadre n'est pas incitatif. M. R.