Il y a quelques jours, le ministre de l'Industrie et des Mines, Mahdjoub Bedda, a rencontré les dirigeants des entreprises publiques notamment ceux du complexe d'El-Hadjar et de la SNVI. L'objectif recherché à travers ces réunions est de faire un état des lieux de la situation qui prévaut au sein de ces sociétés et de discuter des perspectives et des opportunités existant pour leur développement. À l'issue des discussions, il a été constaté que leur situation est peu reluisante. Les différents renflouements de leurs caisses n'ont, in fine, pas abouti à leur essor. Les performances en termes de rentabilité et de croissance n'ont jamais été réalisées en dépit des centaines de millions de dollars injectées dans les comptes de ces EPE. Ces deux fleurons de l'industrie algérienne dans le passé se sont transformés, de longues décennies durant, en de véritables gouffres financiers à cause d'une gouvernance inefficiente, d'une absence de contrôle et d'une indifférence des responsables par rapport aux résultats des opérations d'audit accomplies. Plus de quarante années après avoir lancé ces deux géants, force est de constater qu'on n'a pas encore réussi à mettre en place une industrie lourde en Algérie. Or, toute entreprise est régie par le code du commerce. Et tout financement d'une entreprise s'effectue avec la fiscalité perçue à partir des autres entreprises. "Est-il concevable que, dans un secteur donné, un industriel s'acquitte de ses impôts et paye l'IBS, pour que toutes ces recettes fiscales servent à renflouer les caisses de ses concurrents ?", s'interroge l'économiste Ferhat Aït Ali. L'expert estime que le déficit qu'enregistre toute entreprise pour la troisième fois consécutive est synonyme de faillite, conformément aux règlements du code du commerce. Pis encore, "au-delà de dix déficits, l'assainissement de toute entreprise peut être interprété comme étant un détournement pur et simple !", déplore M. Aït Ali. "Il est inadmissible qu'on oblige une société viable, rentable, qui, peut-être, emploie autant sinon plus de personnes que les entreprises publiques, à renflouer sur ses propres fonds, via sa fiscalité, les entreprises publiques", relève-t-il. Une telle démarche suivie par les pouvoirs publics va, selon cet expert, à contresens de ce qui est consacré dans la Constitution, notamment l'article 37 bis. C'est également une entorse au Code du commerce. Quelle solution préconisera le ministre pour redresser la situation de ces entreprises ? "Si l'Etat décide de remettre de l'argent dans la cagnotte de ces sociétés, ce sera en tout cas un acte anticonstitutionnel. S'il ne leur vient pas en aide, en revanche, ces entreprises se retrouveront au tribunal du commerce où elles seront cédées suivant l'estimation de leurs actifs", avoue M. Aït Ali. L'analyste pense qu'assainir la situation financière de ces entreprises pour la énième fois n'est plus une solution efficace. C'est une formule qui a montré ses limites. "Toute entreprise qui n'est pas solvable au plan financier doit subir le même traitement que toute autre entreprise insolvable, relevant du secteur économique national", suggère-t-il. En termes plus clairs, "il faut lui trouver un repreneur par voie de justice, aux enchères et dans la transparence la plus totale", précise Ferhat Aït Ali. Une chose est certaine, explique-t-il encore, il n'y a pas de capital public marchand. "C'est une blague de mauvais goût", ironise-t-il. "On ne peut parler de capital public marchand que si les capitaux initiaux avaient généré des actifs puis des bénéfices. Cependant, les capitaux initiaux se sont évaporés dans les multiples assainissements", relate M. Aït Ali. Il cite l'exemple de la SNVI, qui, depuis les années 1980, a englouti plus de 5 milliards de dollars en salaires seulement. Reste à savoir quelle stratégie arrêtera le ministre pour redynamiser son secteur resté en léthargie pendant des décennies ? M. Bedda a, au cours des discussions avec ces entreprises, insisté sur l'importance de remédier aux problèmes de gestion qui constituent "un frein" au développement de l'entreprise. B. K.