Le plan d'action du gouvernement Ouyahia dont Liberté détient une copie, prévoit le recours au financement non conventionnel, principalement aux avances de la Banque d'Algérie au Trésor, c'est-à-dire à la planche à billets, soit l'émission d'une quantité importante de dinars par la Banque centrale, avec l'inconvénient de l'absence de contrepartie de cette monnaie supplémentaire en devises. Connue, cette mesure, au cœur de la feuille de route du Premier ministre destinée à contribuer à surmonter la crise financière que connaît le pays et dont le chef de l'Exécutif vient de révéler la gravité à travers plusieurs indicateurs contenus dans le document, suscite déjà une levée de boucliers de plusieurs spécialistes financiers. Noureddine Legheliel, analyste financier, ancien spécialiste des marchés à la banque suédoise Carnegie, souligne que cette solution est inflationniste, c'est-à-dire qu'elle va entraîner d'importantes hausses des prix des produits de large consommation. Les salariés seront touchés ainsi que les détenteurs de titres, obligations inhérentes aux emprunts obligataires émis lors du mandat de l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal. Avec la forte inflation prévisible, ces titres perdront, en effet, de leur valeur. "On va aller vers un scénario d'inflation à deux chiffres en 2018", estime le même spécialiste. Le cadeau de la Banque d'Algérie aux importateurs Déjà, remarque-t-il, la Banque d'Algérie, en instituant un mécanisme de change à terme au cours de l'été, a offert un cadeau aux importateurs. Ces derniers pourront se protéger contre les risques de change, mais au détriment de la Banque centrale. Puisqu' il n'y aura pas de contrepartie aux positions courtes, pas d'intervention de privés dans les positions longues qui auraient pu compenser les pertes des banques. "On aurait dû réserver cette mesure aux producteurs dans leurs importations de matières premières et autres intrants", observe Mohamed Kessel, spécialiste financier. Cette mesure est surtout une anticipation à une forte dévaluation du dinar prévisible dans les prochains mois, ajoute Noureddine Leghliel. On anticipe un euro à 140 DA d'ici à fin décembre, contre 135 aujourd'hui sur le marché officiel, soutient l'économiste Mohamed Cherif Belmihoub. Au demeurant, le choix de la planche à billets signifie qu'on ne veut pas toucher à l'argent de l'informel pour renflouer les caisses de l'Etat, ni prendre d'autres mesures adéquates qui épargnent aux citoyens le fardeau de la crise, tout au moins le plus gros poids. Conséquence de cette option, la population subira de plein fouet les effets de cette crise, pendant qu'on ne touchera ni aux positions de rente des importateurs ni à la manne de l'informel. Résultat des courses, le recours à la planche à billets va appauvrir les salariés, déplore un autre économiste. Il s'agit, selon lui, d'une grave erreur de trajectoire que les simples citoyens vont payer. K. Remouche