Le spécialiste souligne que les réserves en devises de l'Algérie augmentent ou diminuent en partie sous l'effet de l'évolution sur les marchés internationaux des taux de change des principales monnaies qui composent cette manne financière. Liberté : Comment commentez-vous les derniers chiffres du gouverneur de la Banque d'Algérie sur les réserves de change ? Noureddine Leghliel : Le 30 juin 2017, le patron de la Banque d'Algérie, Mohamed Loukal, avait déclaré que les réserves de change de l'Algérie se maintenaient à 108 milliards de dollars, reconnaissant ainsi une baisse de 6 milliards de dollars par rapport au 1er janvier 2017. Ces réserves étaient estimées à 114 milliards de dollars fin 2016. Cependant, ce que monsieur Loukal a omis de mentionner dans sa déclaration, c'est la dépréciation du dollar américain par rapport aux autres monnaies qui composent le portefeuille des réserves de change, il s'agit en l'occurrence de la monnaie européenne euro, de la livre sterling britannique et du yen japonais. Du 1er janvier 2017 au 29 juin 2017, le cours du dollar a perdu 8,82% par rapport au cours de l'euro (1,0533 - 1,1453 ) et il a cédé 6,10% face au cours de la livre sterling. En revanche, le dollar a gagné 3,62% par rapport à la monnaie japonaise le yen. Sans cette dépréciation du dollar américain, la baisse des réserves de change de l'Algérie aurait dépassé les 12 milliards de dollars. (Effet de valorisation). Rappelons aussi qu'au mois de janvier 2017, MM. Loukal et Sellal avaient déclaré que "durant l'année 2016, les réserves de change avaient baissé de 29,45 milliards de dollars dont 4,3 milliards de dollars perdus dans la reconversion des autres monnaies en dollars". Quelles sont les limites de la politique monétaire actuelle ? La première constatation, c'est le flou qui entoure la politique économique prônée par le gouvernement algérien. Il y a quelques mois encore, ce gouvernement, à travers ses multiples déclarations et mises en garde, a fait connaître aux Algériens sa volonté de mener une politique budgétaire restrictive qui s'explique par une recette classique : réduction des dépenses de l'Etat, augmentation de la fiscalité, etc. D'une telle politique, résultent souvent un frein à la croissance et une augmentation du chômage. D'ailleurs, le FMI qui se réfère à cette thèse, a procédé à une revue à la baisse de la croissance économique de l'Algérie pour les années 2017 et 2018. Aujourd'hui, le gouvernement change de cap et vient nous parler du financement non conventionnel insinuant de cette façon qu'on peut résoudre la crise à travers une politique monétaire en donnant ainsi à la Banque d'Algérie un rôle clef à jouer. Mais cette banque possède-t-elle les moyens et les outils nécessaires pour mener une telle politique ? L'absence d'un marché financier en Algérie et une Bourse à l'état embryonnaire, ajouter à cela une politique non conventionnelle et inadéquate des taux d'intérêt, menée par cette banque, constituent de sérieux handicaps. Le taux réel qui est le différentiel entre le taux nominal et le taux d'inflation est négatif. C'est la raison pour laquelle le FMI somme la Banque d'Algérie à relever ses taux directeurs. Ces facteurs empêchent directement ou partiellement la réalisation d'une telle politique. Pour ce qui est du financement non conventionnel prôné par le gouvernement algérien, que ce financement soit lié à une création de monnaie par la Banque d'Algérie, ou qu'il soit une forme de légalisation de l'argent de la sphère informelle, le résultat inéluctable qu'on va obtenir, est une inflation à deux chiffres. Quant au cours du dinar qui est influencé à la fois par les réserves de change et par l'évolution du taux d'inflation, il est fort probable qu'on enregistrera une dépréciation de la monnaie nationale au second semestre 2017. Que préconisez-vous pour que l'économie nationale devienne plus efficiente ? 1 - Réformer le système bancaire 2 - Créer un marché financier capable d'attirer les capitaux de la sphère informelle 3 - Inciter les entrepreneurs algériens qui ont toujours obtenu des avantages fiscaux et autres dans leurs investissements à introduire leurs entreprises en Bourse. 4 - Introduire en Bourse 30 entreprises publiques (une manière de donner à tout citoyen algérien le droit d'être actionnaire). 5 - Attirer les investissements étrangers à travers une politique fiscale plus souple. 6 - Apporter des réformes ou des aménagements à la loi de 51/49. Qui profite de cette loi ? Ce ne sont ni le citoyen algérien ni le gouvernement. Entretien réalisé par : K. Remouche