"Depuis décembre, la ligue s'est vu refuser trois activités, l'une à la Maison de la culture, l'autre à Tichy et une autre à Draâ Ben Khedda", rappelle Saïd Salhi. Au moment où Ahmed Ouyahia proclamait devant les députés que "nous sommes en démocratie" pour justifier a postériori sa diatribe contre l'opposition, les services de la daïra de Souk-El-Tenine, dans la wilaya de Béjaïa, informait la section de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (Laddh) de son refus de lui accorder l'autorisation pour la tenue de l'université d'été qu'elle projetait d'organiser dans cette cité balnéaire. Le refus est d'autant plus surprenant qu'aucun motif n'a été avancé par la daïra. "C'est une décision arbitraire, injustifiée et illégale", soutient Saïd Salhi, vice-président de la Laddh. Pis encore, on interdit à une association légale, dont le mandat est de défendre les droits de l'Homme et d'alerter sur leurs violations, d'organiser une activité publique et on "tolère" une "université d'été" aux anciens membres de... l'Armée islamique du salut (AIS). On se rappelle, à la fin de l'été 2014, le quotidien El Khabar rapportait que des dizaines d'anciens éléments de cette organisation avait tenu fin août "une université d'été" dans les maquis de Jijel. Citant le chef de l'AIS, en l'occurrence, Madani Mezrag, reçu, quelques mois plus tôt, à la présidence de la République en qualité de "personnalité nationale" dans le cadre des consultations sur la révision de la Constitution, le journal rapportait que "l'activité n'a pas été autorisée", mais qu'elle n'a pas été interdite non plus puisque "toutes les autorités, civiles et militaires" étaient au courant. L'information n'a jamais été démentie. Une année, plus tard, un conclave similaire se tient à Mostaganem. Aussi, des "universités d'été" ont été tenues au même endroit, à l'image de celle du campus des jeunes du RCD ou encore du FFS. Pourquoi alors cette interdiction qui vient, faut-il le souligner, dans le prolongement d'une série d'autres interdictions comme les cafés littéraires d'Aokas et de Bouzguène avant que les autorités ne cèdent devant la mobilisation populaire ? "On a eu plusieurs fois des autorisations de la part de l'administration pour activer, mais depuis décembre, la Ligue s'est vu refuser trois activités, l'une à la maison de la culture, l'autre à Tichy et une autre à Draâ Ben Khedda", rappelle Saïd Salhi. "Pour nous, c'est un acharnement. Faut-il lier cette interdiction à l'‘imbroglio' juridique qui entoure l'agrément des Ligues ? Nous avons déposé notre dossier de conformité (par rapport à la nouvelle loi sur les associations) en 2014 et nous n'avons pas reçu de réponse à ce jour. Pour nous, nous sommes agréés de fait", explique-t-il, précisant que leur association a été même invitée à la... présidence de la République pour les consultations sur la révision de la Constitution. Une requête en référé sera déposée aujourd'hui auprès du tribunal administratif par l'avocat Me Ikken pour "annuler la décision de la daïra". Un appel a, également, été lancé en direction du mouvement associatif local, les députés, les partis, les étudiants et les journalistes pour une réunion mardi prochain, au siège de la Ligue, pour se concerter sur une éventuelle action à venir, soutient le responsable local de la Laddh. Un bras de fer qui intervient paradoxalement au lendemain de l'adoption, avant-hier, par le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies, des conclusions de l'examen périodique universel sur l'Algérie. Avant l'approbation du rapport correspondant à cet examen, Amnesty International a présenté une déclaration orale dans laquelle elle a appelé l'Algérie à garantir le respect total de la liberté d'expression, d'association et de religion. "Amnesty International est vivement préoccupée par les menaces et le harcèlement que continuent de subir des défenseurs des droits humains, des journalistes et des manifestants pacifiques en Algérie", souligne l'ONG dans un communiqué publié hier. "Les autorités utilisent une série de dispositions répressives pour museler l'opposition et restreindre le droit à la liberté d'expression, d'association et de réunion (...)", observe l'ONG. Karim Kebir